VII. TRIBUNAL DE CAIPHE
Pour arriver au tribunal de Caïphe, on passe par une première cour
extérieure, et de là on entre dans une autre cour, que nous appellerons
intérieure, et qui entoure tout le bâtiment. La maison est deux fois plus
longue que large.
Sur le devant se trouve uns espèce de vestibule à ciel ouvert, qu'on
appelle atrium, entouré de trois côtés de colonnes formant des galeries
couvertes avec des entrées de ces trois côtés. L'entrée principale est sur le
côté le plus long de l'édifice : en entrant par là, on trouve à gauche une
fosse revêtue en maçonnerie où l'on entretient du feu : si l'on tourne à
droite, on voit, derrière des colonnes plus hautes, formant le quatrième côté
de la maison et plus élevée de deux marches, une salle à moitié grande comme le
vestibule, où se trouvent les sièges des membres du conseil, sur une extrade en
fer à cheval élevée de plusieurs marches. Le siège du grand-prêtre occupe vers
le milieu la place la plus éminente. L'accusé se tient au centre du demi-cercle,
entouré de gardes. Des deux côtés et derrière lui est la place des témoins et
des accusateurs. Derrière les sièges des juges sont trois portes communiquant à
une autre salle ronde, entourée aussi de sièges, et où se tiennent les
délibérations secrètes. Quand on vient du tribunal dans cette salle, on voit, à
droite et à gauche, des portes donnant dans la cour intérieurs, dont l'enceinte
est ici de forme ronde, comme le derrière de l'édifice. En sortant de la salle
par la porte à droite, on aperçoit dans la cour, à sa gauche, l'entrée d'une
prison souterraine qui règne sous cette dernière salle. Il y a là plusieurs
cachots : Pierre et Jean restèrent toute une nuit dans l'un d'eux, lorsqu'ils
eurent guéri le boiteux du Temple, après la Pentecôte.
Dans le bâtiment et à l'entour, tout était rempli de torches et de
lampes, il faisait clair comme en plein jour. Au milieu du vestibule brillait
en outre le feu allumé dans la fosse qui était comme un bassin creusé dans le
sol et où l'on jetait de temps en temps des combustibles, du charbon de terre,
si je ne me trompe : des deux côtés s'élevaient, à hauteur d'homme, des
conduits pour la fumée. Des soldats, des employés subalternes, des témoins de
bas étage gagnés à prix d'argent se pressaient autour du feu. Il y avait aussi
des femmes parmi eux ; elles versaient aux soldats d'une liqueur rouge, et leur
faisaient cuire des gâteaux pour de l'argent. C'était un mouvement comme celui
d'une soirée de mardi gras. La plupart des juges siégeaient déjà autour de Caïphe.
Les autres arrivèrent successivement. Les accusateurs et les faux témoins
remplissaient à peu près le vestibule. Il y avait une grande foule qu'il
fallait contenir par la force.
Un peu avant l'arrivée de Jésus, Pierre et Jean, encore revêtus du costume
de messagers, entrèrent dans la cour extérieure. Jean, avec l'aide d'un employé
du tribunal qu'il connaissait, put même pénétrer jusque dans la seconde cour
dont on ferma pourtant la porte derrière lui, à cause de la foule. Pierre, qui
était resté un peu en arrière, arriva devant cette porte fermée, et la portière
refusa de lui ouvrir. Il ne serait pas allé plus loin, malgré les efforts de
Jean, si Nicodème et Joseph d'Arimathie, qui arrivaient en ce moment, ne
l'eussent fait entrer avec eux. Les deux apôtres, ayant rendu les manteaux
qu'on leur avait prêtés, se placèrent au milieu de la foule qui encombrait le
vestibule, en un lieu d'où l'on pouvait voir les juges. Caïphe était déjà assis
sur son siège au milieu de l'extrade semi-circulaire. Autour de lui siégeaient
environ soixante-dix membres du grand conseil. Des deux côtés se tenaient des
fonctionnaires publics, des anciens, des scribes, et derrière eux des faux
témoins. Des soldats étaient rangés depuis le pied de l'extrade jusqu'à la
porte du vestibule par où Jésus devait être introduit. Ce n'était pas la porte
placée en face du siège des juges, elle était située, par rapport au tribunal,
sur le côté gauche de l'atrium.
Caïphe était un homme d'apparence grave ; son visage était enflammé et
menaçant. Il portait un long manteau d'un rouge sombre,
orné de fleurs et de franges d'or,
attaché à la poitrine et aux épaules et couvert sur le devant de plusieurs
plaques d'un métal brillant. Sa coiffure ressemblait un peu par le haut à une
mitre d'évêque ; sur les côtés étaient des ouvertures par où pendaient quelques
morceaux d'étoffe qui tombaient d'un côté jusque sur l'épaule. Caïphe était là
depuis quelque temps avec ses adhérents du grand conseil, dont plusieurs
étaient restés réunis depuis que Judas était sorti avec les soldats et les
archers. Son impatience et sa rage étaient telles, qu'il descendit de son siège
en grand costume, courut dans le vestibule, et demanda avec colère si Jésus
n'arrivait pas. Comme le cortège approchait, il retourna à sa place.