LII. LA MISE AU TOMBEAU
Les hommes placèrent le corps sur une civière de cuir qu'ils
recouvrirent d'une couverture brune et à laquelle ils adaptèrent deux longs
bâtons. Cela me rappela l'arche d'alliance. Nicodème et Joseph portaient sur
leurs épaules les brancards antérieurs ; Abénadar et Jean, ceux de derrière.
Ensuite venaient la sainte Vierge, Marie d'Héli, sa soeur aînée, Madeleine et
Marie de Cléophas, puis les femmes qui s'étaient tenues assises à quelque
distance, Véronique, Jeanne Chusa, Marie mère de Marc, Salomé, femme de Zébédée
Marie Salomé, Salomé de Jérusalem, Suzanne et Anne, nièces de saint Joseph.
Cassius et les soldats fermaient la marche. Les autres femmes, telles que
Maroni de Naïm. Dina
Le jardin est de forme irrégulière. Le rocher où le sépulcre est taillé
est couvert de gazon et entouré d'une haie vive ; il y a encore devant l'entrée
une barrière de perches transversales attachées à des pieux au moyen de
chevilles de fer. Quelques palmiers s'élèvent devant l'entrée du jardin et
devant celle du tombeau, qui est située dans l'angle à droite. La plupart des
autres plantations consistent en buissons, en fleurs et en arbustes
aromatiques. Le cortège s'arrêta à l'entrée du jardin ; on l'ouvrit en enlevant
quelques pieux qui servirent ensuite de leviers pour rouler dans le caveau la
pierre destinée à fermer le tombeau. Quand on fut devant le rocher, on ouvrit
la civière, et on enleva le saint corps sur une longue planche, sous laquelle
un drap était étendu transversalement. Nicodème et Joseph portaient les deux
bouts de la planche, Jean et Abénadar ceux du drap. La grotte, qui était
nouvellement creusée, avait été récemment nettoyée par les serviteurs de
Nicodème qui y avaient brûlé des parfums ; l'intérieur en était propre et
élégant ; il y avait même un ornement sculpte au haut des parois. La couche
destinée à recevoir le corps était un peu plus large du côté de la tête que du
côté opposé ; on y avait tracé en creux la forme d'un cadavre enveloppé de ses
linceuls en laissant une petite élévation à la tête et aux pieds. Les saintes
femmes s'assirent vis-à-vis l'entrée du caveau. Les quatre hommes y portèrent
le corps du Seigneur, remplirent encore d'aromates une partie de la couche creusée
pour le recevoir, et y étendirent un drap qui dépassait des deux côtés la
couche sépulcrale, et sur lequel ils placèrent le corps. Ils lui témoignèrent
encore leur amour par leurs larmes et leurs embrassements. et sortirent du
caveau. Alors la sainte Vierge y entra ; elle s'assit du coté de la tète, et se
pencha en pleurant sur le corps de son fils.
Quand elle quitta la grotte, Madeleine s'y précipita ; elle avait
cueilli dans le jardin des fleurs et des branches qu'elle jeta sur Jésus ; elle
joignit les mains et embrassa en sanglotant les pieds de Jésus ; mais les
hommes l'ayant avertie qu'ils voulaient fermer le tombeau. Elle revint auprès
des femmes. Ils relevèrent au-dessus du saint corps les bords du drap où il
reposait, placèrent sur le tout la couverture de couleur brune, et fermèrent
les battants de la porte, qui était d'un métal brunâtre, vraisemblablement en
cuivre ou en bronze ; il y avait devant deux bâtons, l'un vertical, l'autre
horizontal ce qui faisait l'effet d'une croix (1).
La grosse pierre destinée à fermer le
tombeau, qui se trouvait encore devant l'entrée du caveau, avait à peu près la
forme d'un coffre (2) ou d'une pierre tombale ; elle était assez grande pour
qu'un homme pût s'y étendre dans toute sa longueur ; elle était très pesante,
et ce ne fut qu'avec les pieux enlevés à l'entrée du jardin que les hommes
purent la rouler devant la porte du tombeau. La première entrée du caveau était
fermée avec une porte faite de branches entrelacées. Tout ce qui fut fait dans
l'intérieur de la grotte se fit à la lueur des flambeaux, parce que la lumière
du jour n'y pénétrait pas. Pendant la mise au tombeau, je vis, dans le
voisinage du jardin et du Calvaire errer plusieurs hommes à l'air triste et
craintif. Je crois que c'étaient des disciples qui, sur le récit d'Abénadar,
étaient venus des cavernes par la vallée et qui y retournèrent ensuite.
(1) La soeur n'explique pas si ces
bâtons étaient des pièces détachées, placées devant la porte, ou si c'étaient
des bandes en relief faisant partie de cette porte.
(2) Vraisemblablement la soeur Emmerich
voulait parler ici de ces caisses antiques où les paysans de son pays
renferment leurs vêtements, le fond en est moins large que le couvercle, ce qui
leur donne en effet une certaine ressemblance avec une tombe. Elle avait près
d'elle une de ces caisses qu'elle appelait son coffre. C'est en ces termes
qu'elle a souvent décrit la pierre en question, dont la forme toutefois n'est
pas représentée très clairement.