IV. MESURES PRISES PAR LES
ENNEMIS DE JESUS
Anne et Caïphe avaient été avertis immédiatement de l'arrestation de
Jésus, et tout était en mouvement autour d'eux. Les salles étaient éclairées et
les avenues gardées ; les messagers couraient la ville pour convoquer les
membres du conseil, les scribes et tous ceux qui devaient prendre part du
jugement. Plusieurs étaient restés on permanence chez Caïphe, depuis la
trahison de Judas, pour attendre l'événement. Les anciens de trois classes de
la bourgeoisie furent aussi rassembles. Comme les Pharisiens, les Sadducéens et
les Hérodiens de toutes les parties du pays étaient venus à Jérusalem pour la fête,
et que l'entreprise tentée contre Jésus avait été concertée de longue main
entre eux et le grand conseil, ceux qui avaient le plus de haine contre le
Sauveur furent convoqués, avec l'ordre de rassembler et d'apporter, au moment
du témoignage, tout ce qu'ils pourraient trouver de preuves et de témoignages
contre Jésus. Tous les Pharisiens, les Sadducéens, et beaucoup d'autres hommes
méchants et orgueilleux de Nazareth, de Capharnaüm, de Thirza, de Gabara, de
Jotapat, de Siloh et d'ailleurs, auxquels Jésus avait dit si souvent la vérité,
les couvrant de confusion en face du peuple, se trouvaient rassemblés à Jérusalem.
Ils étaient pleins de haine et de rage, et chacun d'eux cherchait, parmi les
gens de son pays que la fête avait attirés, quelques misérables qui voulussent
à prix d'argent se porter accusateurs de Jésus. Mais tous, outre quelques
mensonges palpables, se bornaient à répéter ces griefs rebattus à l'occasion
desquels Jésus les avait si souvent réduits au silence dans leurs synagogues.
Toute la masse des ennemis de Jésus se rendait donc au tribunal de
Caïphe, guidés par les orgueilleux Pharisiens, les Scribes et leurs affidés de
Jérusalem, parmi lesquels se trouvaient bien des marchands chassés du Temple
par le Sauveur, bien des docteurs vaniteux auxquels il avait fermé la bouche
devant le peuple, peut-être même quelques-uns qui ne pouvaient lui pardonner de
les avoir convaincus d'erreur et couverts de contusion, lorsqu'à l'âge de douze
ans il avait fait sa première instruction au Temple. Parmi cette foule
d'ennemis sa trouvaient encore des pécheurs impénitents qu'il n'avait pas voulu
guérir ; des pécheurs retombés qui étaient redevenus malades ; des jeunes gens
vaniteux dont il n'avait pas voulu pour disciples ; des chercheurs de
successions, furieux de ce qu'il avait fait donner aux pauvres des biens sur
lesquels ils comptaient ou de ce qu'il avait guéri ceux dont ils voulaient
hériter ; des débauchés dont il avait converti les camarades ; des adultères
dont il avait ramené les complices à la vertu ; beaucoup de gens flatteurs de
tous ceux-là, beaucoup d'autres instruments de Satan tout pleins de rage
intérieure contré toute sainteté et par conséquent contre la Saint des saints
Cette lie du peuple juif, dont une si grande partie se trouvait rassemblée pour
la fête de Pâques, s'était mise en mouvement, excitée par quelques-uns des
principaux ennemis de Jésus, et elle refluait de tous côtés vers le palais de
Caïphe, pour accuser faussement de tous les crimes le véritable Agneau sans
tache qui porte les péchés du monde, et le souiller de leurs oeuvres, qu'il a
en effet prises sur lui portées et expiées.
Pendant que cette foule impure s'agitait,
beaucoup de gens pieux et d'amis de Jésus, tristes et troublés, car ils ne
savaient pas quel mystère allait s'accomplir, erraient çà et là, écoutaient,
gémissaient s'ils parlaient, on les chassait : s'ils se taisaient, on les
regardait de travers. D'autres personnes bien intentionnées, mais faibles et
indécises, se scandalisaient, tombaient en tentation et chancelaient dans leur
conviction. Le nombre de ceux qui persévéraient était petit. Il arrivait alors
ce qui arrive aujourd'hui, où l'on veut bien être bon chrétien quand cela ne
déplaît pas aux hommes mais où l'on rougit de la croix quand le monde la voit
de mauvais oeil. Néanmoins il y en eut plusieurs qui, dès le commencement de
cette procédure inique, injustifiable, et que les vils outrages dont elle était
accompagnée rendaient révoltante, eurent le coeur touché de la patience
résignée du Sauveur et se retirèrent silencieux et tristes