XLII. PREMIERE PAROLE DE JESUS SUR
Lorsque les
archers eurent mis les larrons en croix et partagé entre eux les habits de
Jésus, ils vomirent encore quelques injures contre le Sauveur et se retirèrent.
Les Pharisiens aussi passèrent à cheval devant Jésus, lui adressèrent des
paroles outrageantes et s'en allèrent. Les cent soldats romains furent
remplacés à leur poste par une nouvelle troupe de Cinquante hommes. Ceux-ci
étaient commandés par Abénadar, Arabe de naissance, baptisé depuis sous le nom
de Ctésiphon ; le commandant en second s'appelait Cassius, et reçut depuis le
nom de Longin : il portait souvent les messages de Pilate. Il vint encore douze
Pharisiens, douze Sadducéens, douze Scribes et quelques anciens. Parmi eux se
trouvaient ceux qui avaient demandé vainement à Pilate de changer l'inscription
de la croix : il n'avait pas même voulu les voir, et son refus avait redoublé
leur rage. Ils firent à cheval le tour de la plate-forme et chassèrent la
sainte Vierge, qu'ils appelèrent une mauvaise femme ; elle fut ramenée par Jean
vers les saintes femmes ; Marthe et Madeleine la reçurent dans leurs bras
Lorsqu'ils passèrent devant Jésus, ils secouèrent dédaigneusement la tête en
disant : " Eh bien ! Imposteur, renverse le Temple et rebâtis-le en trois
jours ! il a toujours voulu secourir les autres et ne peut se sauver lui-même !
Si tu es le fils de Dieu, descends de la croix ! S’il est le roi d'Israël,
qu'il descende de la croix, et nous croirons en lui ! il a eu confiance en
Dieu, qu'il lui vienne maintenant en aide " ! Les soldats aussi se
moquaient de lui, disant : " Si tu es le roi des Juifs sauve toi
maintenant toi-même ".
Lorsque Jésus
tomba en faiblesse, Gesmas, le voleur de gauche, dit : " Son démon l'a
abandonné ". Alors, un soldat mit au bout d'un bâton une éponge avec du
vinaigre et la présenta aux lèvres de Jésus qui sembla y goûter : on ne cessait
pas de le tourner en dérision. " Si tu es le roi des Juifs, dit le soldat,
sauve-toi toi-même ". Tout ceci se passa pendant que la première troupe
faisait place à celle d'Abénadar. Jésus leva un peu la tête et dit : " Mon
père, pardonnez-leur, car ils ne savent ce qu'ils font ". Puis il continua
à prier en silence. Gesmas lui cria : " Si tu es le Christ, sauve-toi et
sauve-nous " ! Les insultes ne cessaient pas, mais Dismas, le bon larron,
fut profondément touché lorsque Jésus pria pour ses ennemis. Quand Marie
entendit la voix de son fils, rien ne put la retenir elle se précipita vers la
croix, suivie de Jean, de Salomé et de Marie de Cléophas. Le centurion ne les
repoussa pas Dismas, le bon larron, obtint par la prière de Jésus. Au moment où
la sainte Vierge s'approcha, une illumination intérieure : il reconnut que
Jésus et sa mère l'avaient guéri dans son enfance, et dit d'une vois forte et
distincte : Comment pouvez-vous l'injurier quand il prie pour vous ? Il s'est
tu ; il a souffert patiemment tous vos affronts, et il prie pour vous ; c'est
un prophète, c'est notre roi, c'est le
fils de Dieu. A ce reproche inattendu sorti de la bouche d'un misérable
assassin sur le gibet, il s'éleva un grand tumulte parmi les assistants ; ils
ramassèrent des pierres et voulaient le lapider sur la croix : mais le
centurion Abénadar ne le souffrit pas ; il les fit disperser et rétablit
l'ordre. Pendant ce temps, la sainte Vierge se sentit fortifiée par la prière
de Jésus, et Dismas dit à son compagnon qui injuriait Jésus : N’as-tu donc pas
crainte de Dieu, toi qui es condamné au même supplice ! Quant à nous, c'est
avec justice ; nous subissons la peine que nos crimes ont méritée : mais
celui-ci n'a rien fait de mal. Songe à ta dernière heure et convertis-toi. Il
était éclairé et touché : il confessa ses fautes à Jésus, disant : Seigneur, si
vous me condamnez, ce sera avec Justice, mais ayez pitié de moi. Jésus lui dit :
Tu éprouveras ma miséricorde. Dismas reçut pendant un quart d'heure la grâce
d'un profond repentir. Tout ce qui vient d'être raconté se passa entre midi et
midi et demi, quelques minutes après l'exaltation de la croix ; mais il y eut
bientôt de grands changements dans l'âme des spectateurs, car, pendant que le
bon larron parlait, il y eut dans la nature des signes extraordinaires qui les
remplirent tous d'épouvante.