XLIII. ECLIPSE DE SOLEIL,DEUXIEME ET
TROISIEME PAROLES DE JESUS SUR
Jusque vers dix heures, moment où le jugement de Pilate fut prononcé, il
tomba un peu de grêle, puis le ciel fut clair jusqu'à midi, après quoi il vint
un épais brouillard rougeâtre devant le soleil. Vers la sixième heure, selon la
manière de compter des Juifs, ce qui correspond à peu près à midi et demi, il y
eut une éclipse miraculeuse de soleil. Je vis comment cela avait lieu, mais
malheureusement je ne l'ai pas bien retenu, et je n'ai pas de paroles pour
l'exprimer. Je fus d'abord transportée comme hors de la terre : je voyais les
divisions du ciel et les routes des astres se croisant d'une manière
merveilleuse. Je vis la lune à l'un des côtés de la terre : elle fuyait rapidement
semblable à un globe de feu. Je me retrouvai ensuite à Jérusalem, et je vis de
nouveau la lune apparaître pleine et pâle sur le mont des Oliviers : elle vint
de l'Orient avec une grande vitesse se placer devant le soleil déjà voilé par
la brume. Je vis au côte occidental du soleil un corps obscur qui faisait
l'effet d'une montagne et qui le couvrit bientôt tout entier. Le disque de ce
corps était d'un jaune sombre : un cercle rouge, semblable à un anneau de fer
rougi au feu, l'entourait. Le ciel s'obscurcit et les étoiles se montrèrent,
jetant une lueur sanglante. Une terreur générale s'empara des hommes et des
animaux : les bestiaux beuglaient et s'enfuyaient ; les oiseaux cherchaient des
coins où s'abriter et s'abattaient en foule sur les collines qui entouraient le
Calvaire ; on pouvait les prendre avec la main. Ceux qui injuriaient Jésus
baissèrent le ton. Les Pharisiens essayaient encore de tout expliquer par des
causes naturelles, mais cela leur réussissait mal, et eux aussi furent
intérieurement saisis de terreur ; tout le monde avait les yeux levés vers le
ciel. Plusieurs personnes frappaient leur poitrine et se tordaient les mains en
criant : Que son sang retombe sur ses meurtriers ! Beaucoup de près et de loin,
se jetèrent à genoux, implorant leur pardon, et Jésus, dans ses douleurs,
tourna les yeux vers eux. Comme les ténèbres s'accroissaient et que la croix
était abandonnée de tous, excepté de Marie et des plus chers amis du Sauveur,
Dismas, qui était plongé dans un profond repentir, leva la tête vers Jésus avec
une humble espérance et lui dit : Seigneur, pensez à moi quand vous serez dans
votre royaume. Jésus lui répondit : En vérité, Je te le dis, tu seras
aujourd'hui avec moi dans le paradis.
La
mère de Jésus, Madeleine, Marie de Cléophas et Jean se tenaient entre la croix
du Sauveur et celles des larrons et regardaient Jésus. La sainte Vierge, dans
son amour de mère, priait intérieurement pour que Jésus la laissât mourir avec
lui. Alors le Sauveur la regarda avec une ineffable tendresse, puis tourna les
yeux vers Jean, et dit à Marie : Femme, voilà votre fils. Il sera votre fils
plus que si vous l'aviez enfanté. Il fit encore l'éloge de Jean et dit : Il a
toujours eu une foi inébranlable et ne s'est jamais scandalisé. si ce n'est
quand sa mère a voulu qu'il fût élevé au-dessus des autres . Puis il dit à Jean
: Voilà la mère. Jean embrassa respectueusement, sous la croix du Rédempteur
mourant, la mère de Jésus, devenue maintenant la sienne. La sainte Vierge fut
tellement accablée de douleur à ces dernières dispositions de son fils, quelle
tomba sans connaissance dans les bras des saintes femmes qui l'emportèrent à
quelque distance, la firent asseoir un moment sur le terrassement en face de la
croix, puis la conduisirent hors de la plate-forme, auprès de ses amies.
Je
ne sais pas si Jésus prononça expressément toutes ces paroles ; mais je sentis
intérieurement qu'il donnait Marie pour mère à Jean et Jean pour fils à Marie.
Dans de semblables visions, on perçoit bien des choses qui ne sont pas écrites,
et il y en a très peu qu'on puisse rendre clairement avec le langage humain,
quoiqu'en les voyant on croie qu'elles s'entendent d'elles-mêmes. Ainsi, on ne
s'étonne pas que Jésus s'adressant à la sainte Vierge ne l'appelle pas ma mère, mais femme ; car elle apparat comme la femme par
excellence, qui doit écraser la tête du serpent, surtout en cet instant où
cette promesse s'accomplit par la mort de son fils. On ne s'étonne pas non plus
qu'il donne Jean pour fils à celle que l'ange salua en l'appelant pleine de grâce, parce que le nom de Jean est
un nom qui signifie la grâce, car tous sont ici ce que leur nom signifie : Jean
était devenu un enfant de Dieu, et le Christ vivait en lui. On sent aussi que Jésus
en la donnant pour mère à Jean la donne pour mère à tous ceux qui croient en
son nom, qui deviennent enfants de Dieu, qui ne sont pas nés de la chair et du
sang ni de la volonté de l'homme, mais de Dieu. On sent encore que la plus
pure, la plus humble, la plus obéissante des femmes qui, après avoir dit à
l'Ange : Voici la servante du Seigneur,
qu'il me soit fait selon votre parole , devint mère du Verbe fait chair.
apprenant aujourd'hui de son fils mourant qu'elle doit devenir la mère
spirituelle d'un autre fils, a répété ces mêmes paroles avec une humble
obéissance, dans son coeur déchiré par les angoisses de la séparation, et
qu'elle a adopté pour enfants tous les enfants de Dieu, tous les frères de
Jésus-Christ, Tout cela est plus facile à ressentir par la grâce de Dieu qu'à
exprimer avec des paroles, et je pense alors à ce que me dit une fois mon
fiancé céleste : Tout est écrit dans les
enfants de l'Eglise qui croient, qui espèrent, qui aiment (1) .
(1) Ceci se rapporte à une vision qu'eut