PROLOGUE
Tu
me demandes un petit service, léger quant au travail, mais très grave à cause
de la précaution à prendre contre l'erreur. Tu désires en effet que je mette
par écrit ce que j'aurais pu trouver quelque part au sujet de la nativité de la
sainte et très heureuse Vierge Marie jusqu'à son incomparable enfantement et
aux premiers débuts du Christ ? Chose non point difficile à faire mais, comme
j'ai dit, très présomptueuse, à cause du danger qu'elle fait courir à la vérité.
En effet, ce que tu exiges de moi, maintenant que ma tête a blanchi, je l'ai
lu, sache-le, dans un petit livre qui m'est tombé sous la main quand j'étais un
tout jeune homme, et il se peut très bien que, à cause d'un si grand laps de
temps et de l'intervention d'autres événements qui ne sont pas légers, l'un ou
l'autre détail ait échappé à ma mémoire. Aussi pourra-t-on m'accuser non sans
raison, si j'accède à ta demande, d'omettre, d'ajouter ou de changer quelque
chose. Si je ne nie pas que cela puisse être le cas, je n'avoue pas que je le
fais délibérément. Ainsi, afin de combler tes voeux et de contenter la
curiosité des lecteurs, je rappelle à ton intention comme à celle de tout
lecteur que le petit livre en question, si j'ai bonne mémoire, avait une préface
dont le sens était à peu près le suivant :
Jérôme,
aux évêques Chromace et Héliodore.
«Vous
me demandez de vous faire savoir ce que je pense d'un petit livre que d'aucuns
possèdent sur la nativité de sainte Marie. Sachez donc qu'on y trouve beaucoup,
de faussetés. En effet, un certain Seleucus, auteur des Passions des apôtres, a
également compose ce petit livre-ci. Mais, de même qu'il a dit vrai au sujet de
leurs prodiges et des miracles qu'ils ont effectués, tout en proférant de
nombreux mensonges au sujet de leur doctrine, de même il a beaucoup inventé ici
de manière non véridique. Aussi m'efforcerai-je de traduire mot à mot, d'après
ce qui se trouve en hébreu, puisqu'il est clair que le saint évangéliste
Matthieu a compose ce même petit livre et qu'il l'a, ajouté, scellé par des
caractères hébraïques, en tête de son Evangile.»
Pour
la vérité de cela, je m'en remets à l'auteur de la préface et à la bonne foi de
l'écrivain. Personnellement, si je déclare que c'est sujet à doute, je
n'affirme pas que ce soit nettement faux. Voilà ce que je dis en toute liberté,
et qu'à mon avis aucun fidèle ne niera : que tout cela soit vrai ou inventé par
quelqu'un, de grands miracles ont précédé la sainte nativité de sainte Marie et
de très grands l'ont suivie, et pour cette raison ceux qui croient que Dieu a
pu accomplir cela peuvent les croire et les lire sans danger pour leur âme.
Enfin, pour autant que je puisse m'en souvenir, je suivrai le sens et non les
mots de l'écrivain. Tantôt je me lancerai sur la même voie sans suivre pour
autant les mêmes traces, tantôt je reviendrai sur la même route par quelques
détours. Ainsi, je conduirai le fil de la narration de telle façon que je ne
dirai rien d'autre que ce qui y a été écrit ou que ce qui, raisonnablement, a
pu y être écrit.
LIVRE
DE LA NATIVITÉ DE MARIE
Donc, la bienheureuse et très glorieuse
Marie, toujours vierge, est issue de la race royale et de la famille de David ;
elle naquit dans la ville de Nazareth et fut élevée à Jérusalem dans le Temple
de Dieu. Son père s'appelait Joachim, sa mère Anne. La maison paternelle était
originaire de Galilée, de la ville de Nazareth ; la famille maternelle, de
Bethléem. Leur vie était simple et honnête devant Dieu, irréprochable et
charitable auprès des hommes. Ils divisaient tout leur bien en trois parts,
consacrant une partie au Temple et aux serviteurs du Temple, donnant une autre
aux pèlerins et aux pauvres, réservant la troisième pour eux-mêmes et pour les
besoins de leur domesticité. Justes envers Dieu, charitables envers les hommes,
ils vécurent ainsi pendant vingt ans environ une vie conjugale chaste, sans
procréation d'enfants. Ils firent cependant voeu, si Dieu leur donnait un
descendant, de le consacrer au service du Seigneur. Pour cette raison, ils
avaient également coutume de fréquenter le Temple du Seigneur à chaque fête de
l'année.
Or il advint qu'approcha la fête de la
Dédicace. Aussi Joachim monta-t-il à Jérusalem avec quelques-uns de sa tribu.
En ce temps-là, Isachar y était grand prêtre. Et, lorsqu'il remarqua que
Joachim se trouvait lui aussi, avec son offrande, parmi ses concitoyens, il le
méprisa et dédaigna ses dons, lui demandant pourquoi il osait prendre place
parmi les féconds, lui qui était infécond. Il lui dit que ses dons pouvaient
sembler indignes à Dieu, qui l'avait lui-même jugé indigne d'un descendant ;
l'Ecriture disait qu'était maudit tout homme qui n'avait pas engendré un enfant
mâle en Israël ; en effet, il devait d'abord se délivrer de cette malédiction
par la génération d'un enfant, et ainsi seulement il pourrait se présenter
devant Dieu avec ses offrandes. Rempli d'une grande honte par le reproche de
cet opprobre, Joachim se retira auprès des pasteurs qui gardaient ses troupeaux
dans les pâturages. En effet, il ne voulait pas retourner à la maison, de peur
qu'il ne subisse la même manifestation de mépris de la part des gens de sa
tribu qui avaient également été présents et qui avaient entendu ces mots du
prêtre.
Mais, alors qu'il y séjournait depuis un
certain temps, un jour où il était seul, un ange du Seigneur lui apparut dans
une immense lumière. Comme il était troublé devant cette vision, l'ange qui lui
était apparu apaisa sa peur en disant : « Ne crains pas, Joachim, ne sois pas
troublé par ma vue. Je suis en effet un ange que le Seigneur t'envoie pour
t'annoncer que tes prières sont exaucées et que tes aumônes sont montées devant
lui. Il a regardé et vu ta pudeur, et il a entendu le reproche de stérilité qui
te fut adressé injustement. Car Dieu est le vengeur du péché, non pas de la
nature. Aussi, lorsqu'il ferme un sein, il le fait pour l'ouvrir plus
miraculeusement ensuite et pour que l'on sache que ce qui naît n'est pas le
fruit de la concupiscence, mais un don divin. La première mère de votre nation,
Sara, ne fut-elle pas inféconde jusqu'à ses quatre-vingts ans ? Et pourtant,
dans une vieillesse avancée, elle a mis au monde un fils, Isaac, à qui avait
été promise la bénédiction de toutes les nations. Et Rachel, tellement agréable
au Seigneur, tant aimée par saint Jacob, fut elle aussi longtemps stérile, et
elle a néanmoins donné naissance à Joseph, non seulement seigneur d'Egypte,
mais aussi libérateur de très nombreuses nations menacées par la faim. Qui
parmi les chefs fut plus fort que Samson ou plus saint que Samuel ? Et pourtant
ils ont eu tous les deux des mères stériles. Si la raison ne te convainc pas de
donner foi à mes mots, donne au moins créance aux exemples qui montrent que les
conceptions longtemps différées et les naissances stériles sont d'habitude plus
miraculeuses. Aussi ta femme Anne enfantera-t-elle pour toi une fille, et tu
lui donneras le nom de Marie. Elle sera consacrée au Seigneur dès son enfance,
comme vous l'avez promis, et elle sera remplie du Saint-Esprit dès le sein de
sa mère. Elle ne mangera ni ne boira rien d'impur, et elle ne vivra pas parmi
le peuple, au-dehors, mais dans le Temple du Seigneur, pour qu'on ne puisse
rien ni dire ni même soupçonner de méchant à son sujet. Et avec le progrès de
l'âge, de même qu'elle naîtra de façon miraculeuse d'une femme stérile, de
même, vierge, elle engendrera de façon incomparable le fils du Très-Haut, qui
sera appelé Jésus : son nom indique qu'il sera le sauveur de toutes les
nations. ? Et voici le signe de ce que je t'annonce : quand tu arriveras à la
porte Dorée de Jérusalem, tu rencontreras ta femme Anne, qui, pour l'instant
pleine d'inquiétude à cause du retard de ton retour, se réjouira alors à ta
vue. » Sur ces mots, l'ange le quitta.
Ensuite, il apparut également à sa femme
Anne en disant : « Ne crains pas, Anne, ne pense pas que c'est un fantôme que
tu vois. Je suis en effet cet ange qui a présenté vos prières et vos aumônes
devant le Seigneur. Et maintenant je suis envoyé vers vous pour vous annoncer
qu'il vous naîtra une fille, du nom de Marie, qui sera bénie pardessus toutes
les femmes. Pleine de la grâce du Seigneur dès sa naissance, elle passera les
trois années de son allaitement dans la maison paternelle. Ensuite, consacrée
au service du Seigneur, elle ne quittera pas le Temple jusqu'à l'âge de raison
; servant là Dieu nuit et jour dans le jeûne et la prière, elle s'abstiendra de
tout ce qui est impur. Elle ne connaîtra jamais d'homme, mais seule, sans
exemple, sans souillure, sans corruption, sans union avec un homme, vierge elle
engendrera un fils, servante elle engendrera le Seigneur, éminente à la fois
par son nom et par son oeuvre elle engendrera le sauveur du monde. Lève-toi
donc et monte à Jérusalem et, quand tu arriveras à la porte que l'on appelle
Dorée parce qu'elle est ornée d'or, tu rencontreras là, et ce sera le signe,
ton mari pour le salut duquel tu t'inquiètes. Lorsque tout cela se sera donc
passé ainsi, sache que ce que je t'annonce va se réaliser indubitablement. »
Ainsi, selon la prescription de l'ange, ils
partirent tous les deux du lieu où ils se trouvaient et montèrent à Jérusalem.
Et, lorsqu'ils arrivèrent au lieu
désigné par la prophétie angélique, ils allèrent à la rencontre l'un de
l'autre. Heureux de se revoir et rassurés par la certitude de l'enfant promise,
ils rendirent dûment grâce au Seigneur, qui élève les humbles. Ensuite, après
avoir adoré le Seigneur, ils retournèrent à la maison et attendirent la
promesse divine avec certitude et allégresse. Aussi Anne conçut-elle et
enfanta-t-elle une fille et, selon l'ordre angélique, les parents lui donnèrent
le nom de Marie.
Et, lorsque le cycle des trois ans se fut
déroulé, et que le temps de l'allaitement fut terminé, ils conduisirent la
Vierge avec des offrandes au Temple du Seigneur. Or il y avait autour du Temple
quinze marches à monter, conformément aux quinze psaumes des montées. Car le
Temple étant construit sur une montagne, l'autel des holocaustes, qui se
trouvait à l'extérieur, n'était accessible que par des marches. Aussi
déposèrent-ils la Vierge sur la première de celles-ci. Et, tandis qu'ils
ôtaient leurs vêtements de voyage et qu'ils mettaient des vêtements plus
soignés et plus propres selon la coutume, la Vierge du Seigneur monta toutes
les marches l'une après l'autre, sans la main de quiconque pour la guider et la
soulever, de telle façon que l'on crut que, sur ce point du moins, rien ne
manquait à sa maturité. En effet, déjà dans l'enfance de la Vierge, le Seigneur
accomplit un grand acte et montra d'avance par le signe de ce miracle quelle
grandeur elle atteindrait. Lorsqu'ils eurent donc célébré le sacrifice selon la
coutume de la Loi et qu'ils eurent accompli leur voeu, ils laissèrent la Vierge
dans l'enceinte du Temple avec les autres vierges qui devaient être élevées en
ce même lieu, et eux-mêmes retournèrent à la maison.
Or, en avançant en âge, la Vierge du
Seigneur progressait également chaque jour dans les vertus. Et, parce que,
selon les mots du psalmiste, « son père et sa mère l'abandonnèrent, Dieu
l'accueillit » Chaque jour, en effet, elle était fréquentée par des anges,
chaque jour elle jouissait de la vision divine, qui la préservait de tous les
maux et lui donnait aussi tous les biens en abondance. Elle atteignit sa
quatorzième année de telle façon que non seulement les méchants ne pouvaient
rien trouver à lui reprocher, mais qu'aussi tous les bons qui la connaissaient
jugeaient dignes d'admiration sa vie et sa conduite. Alors, le grand prêtre
ordonna publiquement aux vierges qui étaient instruites dans le Temple et qui
avaient accompli cette période de leur jeunesse de rentrer à la maison, de se
préparer au mariage, selon la coutume de la nation et la maturité de leur âge.
Tandis que les autres obéissaient docilement à cet ordre, seule Marie, la
Vierge du Seigneur, répondit qu'elle ne pouvait faire cela, puisque ses parents
l'avaient consacrée au service du Seigneur et qu'en plus elle avait elle-même
voué au Seigneur sa virginité, qu'elle ne pourrait jamais outrager en
s'unissant à un homme.
Le grand prêtre était dans la détresse,
parce qu'il pensait que, l'on ne devait pas violer une promesse en s'opposant à
l'Ecriture qui dit : « Faites des voeux et acquittez-vous-en », et parce qu'il
n'osait pas non plus introduire une coutume étrangère à la nation. Aussi
prescrivit-il qu'à la fête qui était imminente tous les notables de Jérusalem
et des lieux voisins soient présents, afin qu'il sache, grâce à leur conseil,
ce qu'il fallait faire dans un cas si douteux. C'est ce qui fut fait, et tous
décidèrent en commun que le Seigneur devait être consulté à ce sujet. Et, alors
que les autres se prosternaient pour prier, le grand prêtre alla faire la
consultation selon la coutume. Et, sans tarder, une voix venant de l'oracle et
du lieu du propitiatoire se fit entendre à tous, disant qu'il fallait avoir
recours à la prophétie d'Isaie pour savoir à qui la Vierge devait être confiée
et accordée en mariage. Isaïe a dit : « Un rameau sortira de la racine de
Jessé, et une fleur poussera de sa racine, et sur elle reposera l'esprit du
Seigneur, esprit de sagesse et d'intelligence, esprit de conseil et de force,
esprit de connaissance et de piété, et l'esprit de crainte du Seigneur la
remplira. » Ainsi donc, selon cette prophétie, tous les membres de la maison et
de la famille de David en état de se marier et non mariés apporteraient leur
rameau à l'autel ; et, si un petit rameau fleurissait après l'offrande et si
sur sa pointe prenait place l'Esprit du Seigneur sous la forme d'une colombe,
ce serait à son possesseur que la Vierge devait être confiée et accordée en
mariage.
Parmi les personnes présentes se trouvait
Joseph, un homme de la maison et de la famille de David, dont la femme était
défunte et qui avait des enfants déjà jeunes gens. Comme il lui semblait
inconvenant d'épouser une fille d'un âge si tendre, alors qu'il avait des fils
plus âgés, il fut le seul à retenir son rameau alors que les autres apportaient
le leur selon l'oracle. Et, comme, par conséquent, il n'apparaissait rien de
conforme à la voix divine, le grand prêtre pensa qu'il fallait consulter une
nouvelle fois le Seigneur. Celui-ci répondit que le seul de tous les désignés à
ne pas avoir apporté son rameau était celui à qui la Vierge devait être
accordée en mariage. Ainsi découvert, Joseph apporta son rameau; et, lorsque
celui-ci fleurit aussitôt et qu'une colombe venant du ciel prit place sur sa
pointe, il fut clair aux yeux de tous que c'était à lui que la Vierge devrait
être accordée en mariage. Donc, après la célébration coutumière du rite de
mariage, Joseph resta dans la ville de Bethléem pour organiser sa maison et
pour se procurer ce qui était nécessaire au mariage, tandis que Marie, la
Vierge du Seigneur, retourna à la maison de ses parents en Galilée avec sept
autres vierges de son âge et élevées avec elle, qu'elle avait reçues du prêtre.
En ces jours, c'est-à-dire au premier temps
de son arrivée en Galilée, l'ange Gabriel fut envoyé vers elle par Dieu pour
lui faire savoir la conception du Seigneur et lui en exposer le déroulement ou
la manière. C'est ainsi qu'en entrant chez elle il remplit la chambre où elle
se trouvait d'une immense lumière et, la saluant avec beaucoup de joie, il lui
dit : « Je te salue Marie, vierge très agréable au Seigneur, vierge pleine de
grâce, le Seigneur et avec toi, tu es bénie par-dessus toutes les femmes, bénie
par-dessus tous les êtres humains qui sont nés jusqu'à présent. » La Vierge,
qui connaissait déjà bien les visages des anges et n'était pas inaccoutumée à
la lumière céleste, ne fut ni effrayée par la vision de l'ange, ni stupéfaite de
l'intensité de la lumière. Mais elle fut troublée par sa seule parole et elle
se mit à penser à ce que pouvait signifier cette salutation si insolite, ce
qu'elle cachait, à quel but elle mènerait. L'ange, divinement inspiré, répondit
à sa pensée en disant : « Ne crains pas, Marie, que cette salutation cache
quelque chose de contraire à ta chasteté. En effet, tu as trouvé grâce auprès
de Dieu. Parce que tu as choisi la chasteté de la virginité, tu concevras sans
péchés, tu enfanteras un fils. Il sera grand parce qu'il régnera de la mer
jusqu'à la mer et du fleuve jusqu'aux confins de la terre, et il sera appelé le
Fils du Très-Haut, parce que celui qui naît sur terre dans l'humilité règne au
ciel avec le Père dans la grandeur. Et le Seigneur Dieu lui donnera le trône de
David son père, et il régnera sur la maison de Jacob pour les siècles et son
règne n'aura pas de fin. Lui-même, en effet, est Roi des rois et Seigneur des
seigneurs, et son trône subsiste dans les siècles des siècles. » A ces paroles
de l'ange, la Vierge répondit, non qu'elle fût incrédule, mais parce qu'elle
voulait connaître la manière : «Comment cela pourra-t-il se faire ? En effet,
puisque moi-même, selon mon voeu, je ne connaîtrai jamais un homme, comment
puis-je concevoir sans suivre les usages humains, ou enfanter sans le secours
d'une semence virile ? » A cela l'ange répondit : « Ne pense pas, Marie, que tu
concevras de manière humaine ; en effet, c'est sans union avec un homme que
vierge tu concevras, vierge tu enfanteras, vierge tu nourriras. En effet, le
Saint-Esprit viendra sur toi et la puissance du Très-Haut te prendra sous son
ombre contre toutes les ardeurs de la passion. C'est pourquoi aussi l'être qui
naîtra de toi ? seul saint puisque seul conçu et né sans péché ? sera appelé Fils
de Dieu. » Alors Marie, les mains étendues et les yeux levés au ciel, dit : «
Voici la servante du Seigneur ? en effet je ne suis pas digne du nom de mère ?
qu'il m'advienne selon ta parole. »
Il serait trop long de vouloir insérer dans
cet opuscule tous les événements dont nous avons lu qu'ils ont précédé ou
qu'ils ont suivi la naissance du Seigneur. Omettons donc ce qui est écrit de
manière plus complète dans l'Evangile et passons au récit de ce qui s'y trouve
moins amplement.
Donc
Joseph, rentrant de Judée en Galilée, avait l'intention de prendre pour femme
la Vierge qui était sa fiancée. Déjà, en effet, trois mois s'étaient écoulés,
et le quatrième venait de commencer, depuis le temps où elle lui avait été
fiancée. Dans l'intervalle, comme le sein de celle qui allait enfanter
grossissait peu à peu, l'enfant commença à se manifester. Et cela ne put rester
caché à Joseph. Car, entrant chez la Vierge plus librement, comme il en est
pour des fiancés, et parlant avec elle plus familièrement, il s'aperçut qu'elle
était enceinte. Aussi commença-t-il à être bouleversé et troublé, parce qu'il
ignorait ce qu'il convenait le mieux de faire. En effet, il ne voulait ni la
dénoncer, parce qu'il était juste, ni la diffamer par le soupçon de
fornication, parce qu'il était pieux. Il pensa donc à dissoudre secrètement le
mariage et à la répudier sans bruit. Mais, alors qu'il avait formé ce dessein,
voici que l'ange du Seigneur lui apparut en songe et lui dit : « Joseph, fils
de David, tu ne dois pas craindre, nourrir un soupçon de fornication envers la
Vierge, ou penser quelque chose de fâcheux à son sujet, et ne crains pas de la
prendre pour femme. En effet, le fruit en elle, qui te tourmente le coeur en
cet instant, et! l'oeuvre non pas d'un homme, mais du Saint-Esprit. Or, seule
parmi toutes les femmes, elle, une vierge, enfantera un fils, et tu
l'appelleras du nom de Jésus, c'est-à-dire Sauveur. Car c'est lui qui sauvera
son peuple de ses péchés. » Alors Joseph prit la Vierge pour femme, selon
l'ordre de l'ange. Cependant, il ne la connut pas, mais il veilla sur elle et
la garda dans la chasteté. Et déjà arriva le neuvième mois depuis la
conception, quand Joseph, ayant pris avec lui sa femme et tout ce qui était
nécessaire, se dirigea vers la ville de Bethléem, dont il était lui-même
originaire. Or il advint, comme elle était là, que les jours furent accomplis
où elle devait enfanter, et, comme l'ont enseigné les saints évangélistes, elle
enfanta son premier-né, notre Seigneur Jésus-Christ, qui vit et règne jusqu'aux
siècles des siècles. Amen.
Retour Apocryphes / Retour Marie