Evangile du Pseudo Matthieu

Livre de la naissance de la naissance de la bienheureuse Vierge Marie et de l’enfance du Sauveur

 

 

CHAPITRE I

 

1. En ce temps-là, il y avait à Jérusalem un homme du nom de Joachim de la tribu de Juda. Et il faisait paître ses brebis, craignant Dieu dans la simplicité et la bonté de son coeur.
Il n'avait d'autre souci que celui de ses troupeaux dont il employait le produit à nourrir tous ceux qui craignent Dieu ; il offrait des présents doubles à ceux qui travaillaient dans la doctrine et dans la crainte de Dieu, et de simples à ceux qui étaient chargés de leur soin.

Ainsi donc des agneaux, des brebis, de la laine et de tout ce qu'il possédait, il faisait trois parts ; il en donnait une aux veuves, aux orphelins, aux étrangers et aux pauvres ; une seconde à ceux qui étaient voués au service de Dieu ; quant à la troisième, il se la réservait pour lui et pour toute sa maison.

 

2. Or tandis qu'il agissait ainsi, Dieu multipliait ses troupeaux, au point qu'il n'y avait personne d'égal à lui dans le peuple d'Israël. Il avait commencé lors de sa quinzième année. A l'âge de vingt ans, il prit pour femme Anne, fille d'Isachar de sa tribu, c'est-à-dire de la race de David. Et après qu'il eut demeuré vingt ans avec elle, il n'en avait eu ni fils ni filles.

  

CHAPITRE II

 

1. Or il arriva que, lors des jours de fête, parmi ceux qui offraient de l'encens au Seigneur, se trouvait Joachim présentant ses offrandes en présence de Dieu. Et, s'approchant de lui, un scribe du temple, nommé Ruban, lui dit : " Tu ne peux pas te trouver parmi ceux qui font des sacrifice à Dieu, parce que Dieu ne t'a pas béni au point de t'accorder une postérité en Israël ". Plein de confusion sous les regards du peuple, Joachim quitta en pleurant le temple du Seigneur, et il ne retourna pas dans sa maison, mais il s'en alla vers ses troupeaux et il emmena avec lui ses bergers dans les montagnes en un pays éloigné, si bien que pendant cinq mois Anne sa femme n'en eut aucune nouvelle.

2. Et elle pleurait en disant : " Seigneur, Dieu très puissant d'Israël, après m'avoir refusé des fils pourquoi m'as-tu encore enlevé mon époux? Voici en effet que cinq mois se sont passés et que je ne vois pas mon époux. Et je ne sais s'il est mort pour pouvoir du moins lui donner la sépulture ". Tandis qu'elle pleurait abondamment dans le jardin de sa maison, levant dans sa prière les yeux vers le Seigneur, elle vit un nid de passereaux dans un laurier, et, entrecoupant ses paroles de gémissements, elle s'adressa au Seigneur en disant : " Seigneur, Dieu tout-puissant, toi qui as donné de la postérité à toutes les créatures, aux fauves, aux bêtes de somme, aux serpents, aux poissons, aux oiseaux, et qui as fait que toutes se réjouissent de leur progéniture, tu me refuses donc à moi seule ces faveurs de ta bonté? Tu sais, Seigneur, que dès le commencement de mon mariage, j'ai fait voeu que si tu me donnais un fils ou une fille je te l'offrirais dans ton temple saint ".

3. Et tandis qu'elle disait cela, tout à coup apparut devant elle un ange du Seigneur, disant : " Ne crains point, Anne, parce qu'un rejeton issu de toi est dans le dessein de Dieu ; et l'enfant qui naîtra de toi sera un objet d'admiration à tous les siècles jusqu'à la fin ". Et après avoir prononcé ces paroles, il disparut de devant ses yeux. Or celle-ci, tremblante et épouvantée d'avoir eu une pareille vision et d'avoir entendu un pareil discours, entra dans sa chambre et se jeta sur son lit comme morte et durant tout le jour et toute la nuit, elle demeura en prière et dans une grande frayeur.

4. Ensuite elle appela à elle sa servante et lui dit : " Tu me vois désolé de mon veuvage et plongée dans la détresse, et tu n'as même pas voulu venir vers moi? " Et celle-ci lui répondit en murmurant : " Si Dieu a fermé tes entrailles et s'il a éloigné de toi ton époux, que puis-je faire pour toi? " Et en entendant ces paroles, Anne pleurait davantage.

 

CHAPITRE III

 

1. En ce même temps un jeune homme apparut dans les montagnes où Joachim faisait paître ses troupeaux, et lui dit : " Pourquoi ne retournes-tu plus auprès de ta femme? " Et Joachim répondit : " Pendant vingt ans je l'ai eue pour compagne ; mais maintenant, parce que Dieu n'a pas voulu que j'eusse d'elle des enfants, j'ai été chassé du temple de Dieu avec ignominie ; pourquoi retournerais-je auprès d'elle, après avoir été une fois repoussé et dédaigné ? Je resterai donc ici avec mes brebis, aussi longtemps que Dieu voudra bien m'accorder la lumière de ce monde ; cependant, par l'intermédiaire de mes serviteurs, je rendrai volontiers leur part aux pauvres, aux veuves, aux orphelins et aux ministres de Dieu ".

2. Et lorsqu'il eut dit ces paroles, le jeune homme lui répondit : " Je suis un ange de Dieu ; j'ai apparu aujourd'hui à ta femme qui pleurait et qui priait, et je l'ai consolée ; sache qu'elle a conçu de toi une fille. Celle-ci demeurera dans le temple de Dieu, et le Saint-Esprit reposera en elle ; et son bonheur sera plus grand que celui de toutes les saintes femmes, de sorte que nul ne pourra dire qu'il y eut une telle femme avant elle, mais jamais après elle non plus il n'en viendra de semblable à elle en ce monde. Descends donc des montagnes et retourne auprès de ta femme, et tu la trouveras ayant conçu dans ses entrailles ; car Dieu a suscité en elle une progéniture, aussi dois-tu lui en rendre grâce, et cette progéniture sera bénie, et Anne elle-même sera bénie et sera établie mère d'une bénédiction éternelle ".

3. Et Joachim l'adorant lui dit : " Si j'ai trouvé grâce devant toi, assieds-toi quelque temps sous ma tente et bénis-moi, moi qui suis ton serviteur ". Et l'ange lui dit : " Ne te dis pas mon serviteur mais mon compagnon ; car nous sommes les serviteurs d'un même maître. Ma nourriture est invisible, et ma boisson ne peut pas être aperçue par les mortels. Et c'est pourquoi tu ne dois pas me demander que j'entre sous ta tente ; mais ce que tu voulais me donner, offre le en holocauste à Dieu ". Alors Joachim prit un agneau sans tache et dit à l'ange : " Je n'aurais pas osé offrir un holocauste à Dieu si ton ordre ne m'avait pas donné le pouvoir de sacrifier ". Et l'ange lui dit : " Moi de mon côté je ne t'inviterais pas à offrir un sacrifice, si je ne connaissais la volonté du Seigneur ". Or il arriva que, tandis que Joachim offrait son sacrifice à Dieu, en même temps que l'odeur du sacrifice et pour ainsi dire avec la fumée, l'ange s'éleva vers le ciel.

4. Alors Joachim tomba la face contre terre, et il resta prosterné depuis la sixième heure du jour jusqu'au soir. Or à leur arrivée, ses serviteurs et ses journaliers, ignorant ce qui s'était passé, s'effrayèrent, pensant qu'il voulait se tuer ; ils s'approchèrent de lui et le relevèrent avec peine. Lorsqu'il leur eut raconté ce qu'il avait vu, ils furent frappés d'une grande frayeur et d'admiration, et ils l'exhortèrent à exécuter sans retard l'ordre de l'ange et à retourner promptement auprès de sa femme. Et tandis que Joachim examinait dans son esprit s'il devait retourner, il arriva qu'il fut pris de sommeil et voici que l'ange qui lui était apparu quand il était éveillé lui apparut encore, pendant qu'il dormait, disant : "Je suis l'ange que Dieu t'a donné pour gardien ; descends en toute sécurité et retourne auprès d'Anne, parce que les ouvres de charité que toi et ta femme vous avez faites ont été proclamées en présence du Très-Haut, et il vous a été donné une postérité telle que jamais ni les prophètes ni les saints n'en ont eu depuis le commencement et qu'ils n'en auront jamais". Et lorsque Joachim se fut réveillé de son sommeil, il appela auprès de lui les gardiens de ses troupeaux et il leur fit connaître son songe. Et ils adorèrent le Seigneur et ils dirent à Joachim : "Prends garde de résister davantage à l'ange du Seigneur ; mais lève-toi ; partons, et allons lentement tout en faisant paître les troupeaux ".

5. Comme ils étaient en route depuis trente jours et que déjà ils approchaient, un ange du Seigneur apparut à Anne en prière, lui disant : " Va à la Porte d'Or, comme on l'appelle, au-devant de ton époux, parce qu'il doit revenir aujourd'hui ". Et elle s'en fut en hâte avec ses servantes, et elle se mit à prier debout tout près de la porte. Et tandis qu'elle attendait depuis longtemps déjà et qu'elle se lassait de cette longue attente, levant les yeux, elle vit Joachim qui s'avançait avec les troupeaux. Et Anne courut se jeter à son cou, rendant grâces à Dieu et disant : " j'étais veuve et voici que je ne le suis plus ; j'étais stérile et voilà que j'ai conçu ". Et il y eut une grande joie parmi ses voisins et tous ceux qui la connaissaient, et toute la terre d'Israël la félicita de cette gloire.

 

 

CHAPITRE IV

 

Or après neuf mois accomplis, Anne mit au monde une fille et l'appela du nom de Marie. Et lorsqu'elle l'eut sevrée la troisième année, Joachim et sa femme Anne s'en allèrent ensemble au temple du Seigneur, et, tout en offrant des victimes au Seigneur, ils présentèrent leur petite fille Marie pour qu'elle habitât avec les vierges qui passaient le jour et la nuit à louer Dieu. Puis quand elle eut été placée devant le temple du Seigneur, elle gravit les quinze marches en courant, sans regarder en arrière, et sans demander ses parents, ainsi que le font d'ordinaire les enfants. Et ce fait frappa tout le monde d'étonnement, au point que les prêtres du temple eux-mêmes étaient dans l'admiration.

 

CHAPITRE V

 

Alors Anne, remplie de l'Esprit Saint, dit en présence de tous : " Le Seigneur, le Dieu des armées, s'est souvenu de sa parole, et il a gratifié son peuple de sa visite bénie, afin d'humilier les nations qui se dressaient contre nous et de tourner leurs cours vers lui ; il a ouvert ses oreilles à nos prières et il a éloigné de nous les insultes de nos ennemis. Celle qui était stérile est devenue mère, et elle a engendré la joie et l'allégresse dans le peuple d'Israël. Voici que je pourrai offrir des présents au Seigneur, et mes ennemis ne pourront pas m'en empêcher. Que le Seigneur tourne leurs coeur vers moi, et qu'il me donne une joie éternelle ".

 

CHAPITRE VI

 

Or Marie faisait l'admiration de tout le peuple. A l'âge de trois ans, elle marchait d'un pas si sûr, elle parlait si parfaitement et mettait tant d'ardeur à louer Dieu, qu'on l'aurait prise non pour une jeune enfant, mais pour une grande personne, et elle pouvait rester en prières comme si elle avait eu trente ans. Et son visage resplendissait comme la neige, au point que l'on pouvait à peine y attacher les regards. Elle s'appliquait au travail de la laine, et tout ce que les femmes âgées ne pouvaient faire elle était, dans un âge si tendre, en état de le faire.

Elle s'était imposé la règle suivante ; depuis le matin jusqu'à la troisième heure, elle restait en prières ; depuis la troisième heure jusqu'à la neuvième, elle s'occupant à tisser ; mais, à partir de la neuvième heure, elle ne cessait de prier jusqu'au moment où l'ange du Seigneur lui apparaissait, elle recevait sa nourriture de sa main, et elle s'entendait de mieux en mieux à louer Dieu. Enfin, avec les jeunes filles plus âgées, elle s'instruisait si bien dans les louanges de Dieu, qu'on n'en trouvait aucune qui fût plus exacte aux veilles, plus instruite qu'elle dans la sagesse de la loi de Dieu, plus remplie d'humilité, plus habile à chanter les cantiques de David plus gracieuse dans sa charité, plus pure dans sa chasteté, plus parfaite en toute vertu. Car elle était constante, inébranlable, persévérante et chaque jour elle faisait des progrès dans le bien.

Nul ne la vit jamais en colère, nul ne l'entendit jamais dire du mal. Toutes ses paroles étaient si pleines de grâce que l'on reconnaissait la présence de Dieu sur ses lèvres. Toujours elle était occupée à prier ou à méditer la loi, et elle se préoccupait de ses compagnes, veillant à ce qu'aucune d'entre elles ne péchât même en une seule parole, à ce qu'aucune n'élevât la voix en riant, ou ne cherchât à s'élever en faisant tort à une compagne ou en la dédaignant. Elle bénissait Dieu sans cesse ; et pour ne pas être distraite des louanges de Dieu en saluant, lorsque quelqu'un la saluait, elle répondait en guise de salut : "Grâces soient rendues à Dieu". C'est de là qu'est venu pour les hommes l'usage de répondre : "Grâces soient rendues à Dieu", quand ils se saluent. Elle ne prenait chaque jour comme aliment que la nourriture qu'elle recevait elle-même de la main de l'ange ; quant à celle que lui donnaient les prêtres, elle la distribuait aux pauvres. Souvent on voyait des anges s'entretenir avec elle, et ils lui obéissaient avec la plus grande affection. Et si quelque infirme parvenait à la toucher, à l'instant même il retournait chez lui guéri.

 

CHAPITRE VII

 

1 A cette époque, le prêtre Abiathar offrit d'innombrables présents aux prêtres en vue d'obtenir Marie comme femme pour son fils. Mais Marie contrecarrait leur projet en disant: "Il ne peut se faire que je connaisse un homme ou qu'un homme me connaisse." Et les prêtres et tous ses proches lui disaient: "On honore Dieu par ses enfants et on l'adore par sa progéniture, comme il a toujours été dans le peuple d'Israël." En réponse Marie leur disait: "C'est avant tout par la chasteté que Dieu est reconnu et adoré.

2 "Car, avant Abel, personne parmi les hommes n'était juste, et celui-ci plut à Dieu par son offrande. Il fut tué cruellement par celui qui avait déplu. Mais il reçut deux couronnes de par son offrande et sa virginité, parce qu'il n'admit aucune souillure dans sa chair. Puis, Elie, pour la même raison, fut enlevé au ciel encore vivant, parce qu'il avait gardé sa chair vierge. Voilà ce que j'ai appris depuis mon enfance dans le Temple de Dieu, que la vierge peut être très chère à Dieu, et pour cette raison j'ai résolu en mon coeur de ne jamais connaître d'homme."

 

CHAPITRE VIII

 

1 Mais il arriva qu'elle eut quatorze ans, et pour les Pharisiens c'était l'occasion de dire qu'à cause de son état de femme Marie ne pouvait pas demeurer dans le Temple de Dieu. On prit alors la résolution d'envoyer un héraut dans toutes les tribus d'Israël afin que toutes se réunissent trois jours après dans le Temple du Seigneur. Et, quand tout le monde fut réuni, le grand prêtre Isachar se leva et monta jusqu'aux dernières marches pour être vu et entendu de tout le peuple. Après qu'un grand silence se fut fait, il dit: "Écoutez-moi, fils d'Israël, et ouvrez vos oreilles à mes paroles. Depuis que ce Temple a été construit par Salomon, des filles de rois et de prophètes et de grands prêtres et de pontifes y ont demeuré et se sont montrées grandes et admirables. Cependant, arrivées à l'âge légal, elles ont obtenu des hommes en mariage, et, en se conformant à l'usage des générations précédentes, elles ont plu à Dieu. Seule Marie a trouvé une nouvelle manière d'agir, celle de vivre à l'écart des autres, car elle a fait à Dieu le voeu de rester vierge. Il me semble donc que nous devons chercher à connaître, par notre questionnement et par la réponse de Dieu, à qui elle doit être donnée à garder."

2 Toute la synagogue acquiesça à ces paroles, et les prêtres tirèrent au sort entre les douze tribus, et le sort tomba sur la tribu de Juda. Et tous exhortèrent la tribu de Juda, disant que le lendemain ceux qui étaient sans épouse devaient venir un rameau à la main. C'est pourquoi Joseph, bien qu'âgé au milieu des jeunes gens, apporta son rameau. Après qu'ils eurent remis leurs rameaux dans les mains du grand prêtre, celui-ci présenta une offrande à Dieu et interrogea le Seigneur, et le Seigneur lui dit: "Mets les rameaux de tous dans le Saint des saints et qu'ils y demeurent. Et dis aux gens de revenir demain matin pour les reprendre. Du sommet d'un rameau sortira une colombe, et elle s'envolera vers les cieux. Celui qui aura en main le rameau dont sortira ce prodige, c'est à lui que tu confieras la garde de Marie."

3 Ainsi donc, le lendemain de bonne heure, ils vinrent tous. Et, ayant présenté l'offrande d'encens, le grand prêtre entra dans le Saint des saints et en sortit les rameaux. Après qu'il les eut distribués à chacun et que d'aucune branche ne fut sortie de colombe, le grand prêtre Abiathar se revêtit des douze clochettes du sacerdoce et, entré dans le Saint des saints, il alluma le feu du sacrifice et y exhala une prière. Alors, un ange lui apparut et dit: "Il y a ici un rameau tout petit que tu as négligé et que tu n'as pas sorti avec les autres. Quand tu l'auras sorti et donné, il manifestera le signe dont je t'ai parlé." Or c'était le rameau de Joseph qu'on avait négligé, parce qu'il était vieux et ne pouvait prendre Marie. Mais lui-même ne voulait pas réclamer son rameau. Et, comme il était là, au dernier rang, tout humble, le grand prêtre Abiathar l'appela à haute voix et dit: "Viens et prends ton rameau, car tu es attendu." Et Joseph s'approcha tout apeuré, car le chef des prêtres l'avait appelé à haute voix. Mais, dès qu'il eut tendu la main et pris son rameau, soudain une colombe sortit du sommet de la branche, plus blanche que la neige, extrêmement belle, et, après avoir volé un moment sous la voûte du Temple, elle gagna les cieux.

4 Alors, le peuple tout entier félicita le vieillard en disant: "Tu as obtenu le bonheur dans ta vieillesse, de sorte que Dieu t'a désigné comme digne de recevoir Marie." Mais, quand les prêtres lui dirent: "Prends-la, car de toute ta tribu toi seul as été élu par Dieu", Joseph se mit à leur témoigner son respect, et à les supplier, et à dire avec déférence : "Je suis un vieillard et j'ai des fils, pourquoi me donnez-vous cette fillette, ma petite-fille d'après son âge, et qui est même plus jeune que mes propres petits-enfants ?" Alors, Abiathar, le chef des grands prêtres, dit: "Souviens-toi, Joseph, comment Dathan, Coré et Abiram ont péri, pour avoir méprisé la volonté du Seigneur. Tu auras le même sort si tu méprises obstinément ce que Dieu t'ordonne." Et Joseph lui dit: "Moi, je ne méprise pas la volonté de Dieu, mais je serai son gardien jusqu'à ce que l'on puisse savoir, de par la volonté de Dieu, qui de mes fils peut l'avoir comme femme. Qu'on lui donne quelques jeunes filles d'entre ses compagnes avec lesquelles elle demeure entre-temps." Et le grand prêtre Abiathar répondit en disant: "Oui, des jeunes filles lui seront données pour l'entourer, jusqu'à ce que vienne le jour fixé où tu puisses la recevoir. Car elle ne pourra pas être unie en mariage à un autre."

5 Alors, Joseph reçut Marie avec cinq autres jeunes filles qui devaient être avec elle dans la maison de Joseph. Ces jeunes filles étaient Rébecca, Séphora, Suzanne, Abigéa et Zahel, auxquelles furent donnés par le grand prêtre de la soie, de l'hyacinthe, de l'écarlate, du coton, de la pourpre et du lin. Et elles jetèrent le sort pour savoir ce que chacune d'entre elles devait faire. Et c'est ainsi qu'il échut à Marie de recevoir la pourpre pour tisser le voile du Temple du Seigneur. Et, quand elle la reçut, les jeunes filles dirent: "Bien qu'étant la plus jeune et d'humble origine, tu as mérité d'obtenir la pourpre ?" Et, disant cela par raillerie, elles se mirent à l'appeler reine des vierges. Et, tandis que cela se passait entre elles, un ange apparut au milieu d'elles et dit: "Cette parole ne sera pas sans résultat, mais vous prophétisez une prophétie des plus véridiques." Alors, prises de stupeur à la vue de l'ange et à cause de ses paroles, elles se mirent à supplier Marie de leur pardonner et de prier pour elles.

 

CHAPITRE IX

 

Or, le lendemain, comme Marie se tenait près de la fontaine pour remplir sa cruche, un ange apparut et lui dit: "Tu es bienheureuse, Marie, parce que dans ton coeur tu as préparé une demeure pour Dieu. Voici que la lumière viendra du ciel pour habiter en toi et pour que, pas toi, elle resplendisse sur le monde entier." De même, le troisième jour, alors qu'elle travaillait la pourpre de ses doigts, il se présenta à elle un jeune homme dont la beauté ne pouvait être contée. Le voyant, Marie fut prise d'effroi et tressaillit. Et il lui dit: "Ne crains pas, Marie, tu as trouvé grâce devant Dieu. Voici que tu concevras et enfanteras un roi qui gouverne non seulement sur terre, mais aussi dans les cieux, et qui régnera dans les siècles des siècles."

 

CHAPITRE X

 

1 Pendant que cela se passait, Joseph était à Capharnaüm occupe à son travail, car il était charpentier, et il y demeura neuf mois. Rentré donc dans sa maison, il trouva Marie enceinte et se mit à trembler de tous ses membres, et pris d'angoisse il s'écria et dit: "Seigneur, Seigneur, reçois mon esprit, car il vaut mieux pour moi mourir que vivre!" Et les jeunes filles qui étaient avec Marie lui dirent: "Nous, nous savons qu'aucun homme ne l'a jamais touchée. Nous savons que l'intégrité et la virginité sont restées sans cesse immaculées en elle. Elle est restée toujours en Dieu, toujours en prière. Chaque jour, un ange du Seigneur parle avec elle, chaque jour elle reçoit sa nourriture de la main de l'ange. Comment peut-il se faire que quelque péché soit en elle? Vraiment, si tu veux que nous te dévoilions nos soupçons, personne ne l'a rendue enceinte si ce n'est l'ange de Dieu."

2 Joseph leur dit: "Pourquoi tâchez-vous de me tromper afin que je croie qu'un ange de Dieu l'a rendue enceinte ? Il est possible que n'importe qui se soit fait passer pour un ange et l'ait séduite." Et ayant dit cela il pleurait et disait: "De quel front irai-je au Temple de Dieu ? De quel visage regarderai-je les prêtres de Dieu ? Que ferai-je ?" Et disant cela, il songeait à se cacher et à la répudier.

 

CHAPITRE XI

 

Il prit donc la décision de se lever de nuit et de s'enfuir. Mais voilà, cette nuit même un ange du Seigneur lui apparut dans son sommeil, disant: "Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre Marie comme épouse, car ce qui est dans son sein vient de l'Esprit saint. Elle enfantera un fils qui sera appelé Jésus, car il délivrera son peuple de ses péchés." Quand Joseph se leva au réveil, il rendit grâces à son Dieu, et parla à Marie et aux jeunes filles qui étaient avec elle, et il raconta sa vision. Et il fit amende honorable en disant à Marie: "J'ai péché, car je t'ai soupçonnée."

 

CHAPITRE XII

 

1 Mais il arriva que la rumeur se répandit que Marie était enceinte. Et elle fut saisie par les serviteurs du Temple de même que Joseph, et ensemble ils furent conduits au grand prêtre, qui, de concert avec les prêtres, se mit à faire des reproches à Joseph: "Pourquoi as-tu trompé une jeune fille si noble et d'une telle distinction, que l'ange de Dieu nourrissait dans le Temple du Seigneur comme une colombe, qui jamais ne voulait voir d'homme, qui a reçu la meilleure instruction dans la Loi du Seigneur ? Si toi, tu ne lui avais fait violence, elle serait encore vierge aujourd'hui." Mais lui invoqua Dieu, jurant qu'au grand jamais il ne l'avait touchée. Et le grand prêtre Abiathar lui dit: "Par le Dieu vivant, je te ferai boire l'eau de la boisson du Seigneur et aussitôt paraîtra ton péché."

2 Alors, tout le peuple se réunit, une multitude qu'on ne pouvait compter, et Marie aussi fut amenée au Temple du Seigneur. Et les prêtres, ses parents et ses proches, tout en larmes, lui disaient: "Confesse ton péché aux prêtres, toi qui étais comme une colombe dans le Temple de Dieu, et qui recevais ta nourriture de la main de l'ange." Or on appela Joseph et on le fit monter à l'autel, et on lui donna l'eau de la boisson. Quand celui qui avait menti la goûtait et faisait sept fois le tour de l'autel, Dieu faisait apparaître un signe sur son visage. Lors donc que Joseph eut bu avec confiance et eut fait sept fois le tour, aucun signe de péché n'apparut en lui. Alors, prêtres et serviteurs du Temple et tout le peuple le déclarèrent pur en disant: "Tu es bienheureux, car aucune faute n'a été trouvée en toi."

3 Et, appelant Marie, ils lui dirent: "Toi, quelle excuse pourras-tu donner, ou quel signe plus grand pourra apparaître en toi que celui qui t'a trahi, la grossesse de ton ventre ? Nous te demandons seulement ceci : puisque Joseph est sans faute envers toi, avoue qui t'a séduite. Mieux vaut en effet que ton aveu te découvre que de voir la colère du Seigneur te dénoncer au milieu du peuple en mettant un signe sur ton visage." Alors, Marie, ferme et intrépide, dit: "S'il y a en moi quelque souillure ou quelque péché, ou s'il y a eu quelque concupiscence, que le Seigneur me démasque à la face de tous les peuples, afin que je puisse être purifiée et sois pour tous un exemple de purification." Et elle s'approcha de l'autel du Seigneur et prit l'eau de la boisson, en goûta et fit sept fois le tour de l'autel, et aucun signe ni trace de quelque péché ne se trouva en elle.

4 Et, parce que tout le peuple était pris de stupeur voyant la grossesse de son ventre, la foule commença à s'agiter dans une grande confusion de paroles. L'un parlait de sainteté, l'autre au contraire, par mauvaise conscience, l'accusait. Alors, Marie, voyant que le peuple la soupçonnait de ne pas être intégralement justifiée, dit d'une voix claire et entendue de tous : "Par le Seigneur vivant de toutes les armées en présence de qui je me trouve, jamais je n'ai connu d'homme, et même j'ai pris la décision dès ma prime jeunesse de ne jamais en connaître. Et, dès mon enfance, j'ai fait ce voeu à mon Dieu, de rester dans la pureté de celui qui m'a créée, et c'est par ce voeu que j'ai confiance de pouvoir vivre pour lui seul et le servir lui seul, et rester pour lui seul sans aucune souillure tous les jours de ma vie."

5 Alors, tous embrassèrent ses genoux en la priant de leur pardonner leurs méchants soupçons. Et tout le peuple et les prêtres et toutes les jeunes filles la reconduisirent à sa maison, pleins d'allégresse et de joie, criant et disant "Béni soit le nom du Seigneur, car il a manifesté sa sainteté à tout le peuple d'Israël."

 

CHAPITRE XIII

  

1 Or il arriva quelque temps après qu'un recensement eut lieu en vertu de l'édit du César Auguste, et chacun devait se rendre dans son lieu d'origine. Ce premier recensement eut lieu sous Cyrinus, gouverneur de Syrie, et il était nécessaire que Joseph partit avec Marie pour Bethléem, car Joseph et Marie étaient de la tribu de Juda, et de la maison et du pays de David. Comme, donc, Joseph et Marie voyageaient par la route qui conduit à Bethléem, Marie dit à Joseph : "Je vois deux peuples devant moi, l'un en larmes l'autre en joie." Joseph lui répondit: "Reste assise et tiens toi sur ta monture, et ne dis pas de paroles superflues." Alors, un bel enfant vêtu d'un habit éblouissant apparut devant eux et dit à Joseph: "Ce que tu as entendu au sujet des deux peuples, pourquoi l'as-tu appelé " des paroles superflues "? Car elle a vu le peuple juif en larmes parce qu'il s'est éloigné de Dieu, et elle a vu le peuple des gentils en joie parce qu'il s'est approché du Seigneur, selon la promesse faite a vos pères Abraham, Isaac et Jacob. Car le temps est arrivé pour que dans la postérité d'Abraham la bénédiction soit accordée à toutes les nations."

2 Et, après avoir dit cela, il fit arrêter la monture et invita Marie à descendre de la bête et à entrer dans une grotte où régnait une obscurité complète, car elle était totalement privée de la lumière du jour. Mais, à l'entrée de Marie, toute la grotte se mit à briller d'une grande clarté, et, comme si le soleil y eût été, ainsi elle commença tout entière à produire une lumière éclatante, et, comme s'il eût été midi, ainsi une lumière divine éclairait cette grotte. Et cette lumière ne s'éteignit ni le jour ni la nuit, aussi longtemps que Marie y accoucha d'un fils, que des anges entourèrent pendant sa naissance, et qu'aussitôt né et debout sur ses pieds ils adorèrent en disant: "Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté."

3 Et Joseph, trouvant Marie avec l'enfant qu'elle avait mis au monde, lui dit: "Je t'ai amené la sage-femme Zahel, qui se tient à l'extérieur de la grotte, car elle ne peut pas y entrer à cause de la trop grande clarté." À ces mots, Marie sourit. Mais Joseph lui dit: "Ne souris pas, mais prends soin qu'elle puisse t'examiner, pour voir si tu n'as pas besoin du secours de sa médecine." Et Marie l'invita à entrer. Et, quand Marie lui eut permis l'examen, la sage-femme s'écria a haute voix et dit: "Seigneur grand, pitié! Jamais on n'a entendu ni même soupçonné que des seins soient remplis de lait alors que le fils qui vient de naître manifeste la virginité de sa mère. Ce nouveau-né n'a connu nulle souillure de sang, l'accouchée n'a éprouvé nulle douleur. La vierge a enfanté et après l'enfantement continue d'être vierge."

4 Entendant ces paroles, une autre sage-femme nommée Salomé dit: "Certes, moi je n'y croirai pas, à moins que je ne l'aie constaté moi-même." Et, s'étant approchée de Marie, elle lui dit: "Permets que je t'examine, afin que je sache si les paroles que Zahel m'a adressées sont vraies." Après que Marie l'eut autorisée à l'examiner, dès qu'elle eut retiré sa main droite, celle-ci se dessécha, et Salomé fut oppressée de douleur, et elle s'écria en pleurant: "Seigneur, tu sais que je t'ai toujours craint et que j'ai soigné tous les pauvres sans me soucier de la rétribution. De la veuve et de l'orphelin je n'ai rien accepté, et jamais je n'ai laissé partir l'indigent les mains vides. Et voilà que je suis devenue  malheureuse à cause de mon incrédulité, parce que j'ai osé mettre à l'épreuve ta vierge, qui a enfanté la lumière et est restée vierge après cet enfantement."

5 Et, pendant qu'elle parlait ainsi, un jeune homme resplendissant de lumière apparut auprès d'elle et dit : "Approche-toi de l'enfant et adore-le, touche-le de ta main et il te guérira, car il est le Sauveur de tous ceux qui espèrent en lui." Et aussitôt Salomé s'approcha en adorant l'enfant et elle toucha le bord des langes dans lesquels il était enveloppé. Et du coup sa main fut guérie. Et, sortant au-dehors, elle se mit à crier et à raconter les miracles qu'elle avait vus, ce qu'elle avait souffert et comment elle avait été guérie, en sorte que beaucoup reçurent la foi par sa prédication.

6 Des bergers de brebis affirmaient aussi qu'ils avaient vu, au milieu de la nuit, des anges chantant des hymnes à Dieu, et que, de leur bouche, ils avaient appris que le Sauveur des hommes, le Christ Seigneur, était né, en qui serait rétabli le salut d'Israël.

7 De plus, du soir au matin, une grande étoile resplendissait. Cette étoile annonçait la naissance du Christ qui, selon la promesse, viendrait sauver non seulement Israël, mais toutes les nations.

 

CHAPITRE XIV

 

Or, deux jours après la naissance du Seigneur, Marie quitta la grotte, entra dans une étable et déposa l'enfant dans une crèche, et le boeuf et l'âne, fléchissant les genoux, adorèrent celui-ci. Alors furent accomplies les paroles du prophète Isaïe disant: "Le boeuf a connu son propriétaire, et l'âne, la crèche de son maître" (Is 1.3), et ces animaux, tout en l'entourant, l'adoraient sans cesse. Alors furent accomplies les paroles du prophète Habaquq disant: "Tu te manifesteras au milieu de deux animaux." (Hab 3.2) Et Joseph et Marie, avec l'enfant demeurèrent au même endroit pendant trois jours.

 

CHAPITRE XV

 

1 Le sixième jour, Joseph entra à Bethléem, où il passa sept jours. Le huitième jour, il conduisit l'enfant au Temple du Seigneur. Et, quand l'enfant fut circoncis, ils offrirent pour lui une paire de tourterelles et deux petits de colombes.

2 Or il y avait dans le Temple un homme de Dieu, un prophète et un juste nommé Syméon, âgé de cent douze ans. Il avait reçu de Dieu l'assurance qu'il ne goûterait pas la mort avant d'avoir vu le Christ, le Fils de Dieu dans la chair. Et, après avoir vu l'enfant, il s'écria d'une voix forte: "Dieu a visité son peuple, Dieu a rempli sa promesse", et il s'empressa d'adorer l'enfant. Puis, le prenant dans son manteau, il l'adora et lui embrassa les pieds en disant: "Maintenant, Seigneur, laisse ton serviteur s'en aller en paix, car mes veux ont vu ton salut, que tu as préparé à la face de tous les peuples : lumière pour éclairer les nations et gloire de ton peuple Israël."

3 Il y avait aussi, dans le Temple du Seigneur, Anne, la fille de Phanuel, qui avait vécu sept ans avec son mari depuis sa virginité. Et elle était veuve, âgée déjà de quatre-vingt-quatre ans, et n'avait jamais quitté le Temple du Seigneur, adonnée aux jeûnes et aux prières. Et elle, s'approchant de l'enfant, l'adora en disant qu'en lui serait la rédemption du siècle.

 

CHAPITRE XVI

 

1 Deux ans après, des mages, porteurs de riches présents, vinrent de l'Orient à Jérusalem. Instamment, ils interrogeaient les juifs, disant: "Où est le roi qui nous est né ? Car nous avons vu son étoile en Orient et nous venons l'adorer." Ces paroles parvinrent au roi Hérode et l'effrayèrent tellement qu'il convoqua les scribes, les pharisiens et les docteurs du peuple, et leur demanda où les prophètes, avaient prédit que le Christ devait naître. Et ils dirent: "A Bethléem. Car voici ce qui est écrit: " Et toi, Bethléem, terre de Juda, tu n'es pas la moindre parmi les clans de Juda, car de toi sortira le chef qui doit gouverner mon peuple Israël." Alors, le roi Hérode appela les mages chez lui et s'enquit avec soin des circonstances dans lesquelles l'étoile leur était apparue, et il les envoya à Bethléem en disant: "Allez, et quand vous l'aurez trouvé, venez me le dire afin que moi aussi j'aille l'adorer."

2 Or, pendant que les mages étaient en chemin, l'étoile leur apparut et, comme pour leur servir de guide, elle les précédait jusqu'à ce qu'ils fussent arrivés à l'endroit où était l'enfant. Or, voyant l'étoile, les mages eurent grande joie et, entrés dans la maison, ils trouvèrent l'enfant Jésus assis sur les genoux de Marie. Alors, ils ouvrirent leurs trésors et donnèrent de très riches présents à Marie et à Joseph, mais à l'enfant lui-même ils offrirent chacun une pièce d'or. Et l'un offrit en outre de l'or, le deuxième de l'encens ci le troisième de la myrrhe. Et quand ils voulurent s'en retourner vers Hérode, ils furent avertis dans un songe de ce qu'Hérode avait en vue. Alors, ils adorèrent une seconde fois l'enfant et, tout joyeux, retournèrent dans leur pays par un autre chemin.

 

CHAPITRE XVII

 

1 Mais, quand le roi Hérode s'aperçut qu'il avait été joué par les mages, son coeur s'enflamma et, lançant ses hommes sur toutes les routes, il projeta de les faire prisonniers. Et, comme il ne parvint pas à les trouver, il envoya ses sbires à Bethléem et fit tuer tous les enfants de deux ans et au-dessous, se fondant sur la date dont il s'était enquis auprès des mages.

2 Mais, la veille de ce massacre, Joseph fut averti par un ange du Seigneur: "Prends Marie et l'enfant et, par la route du désert, rends-toi en Egypte."

  

CHAPITRE XVIII

 

 Comme ils étaient parvenus à une grotte et voulaient s'y reposer, Marie descendit de l'ânesse et s'assit, tenant Jésus sur ses genoux. Or il y avait trois jeunes garçons qui accompagnaient Joseph et une jeune fille avec Marie. Et voici que soudain, de la grotte, sortirent de nombreux dragons, ce que voyant, les enfants poussèrent des cris de terreur. Alors Jésus, descendant des genoux de Marie, se dressa devant les dragons ; et ceux-ci l'adorèrent, puis s'en allèrent. Ainsi fut accompli ce qui a été dit par le prophète David : "Sur la terre, louez le Seigneur, vous dragons et tous les abîmes."
Et l'enfant Jésus, s'avançant vers les monstres, leur ordonna de ne faire aucun mal aux hommes. Mais Marie et Joseph craignaient fort que l'enfant fût blessé par les dragons. Mais Jésus leur dit : "Ne craignez pas, et ne me considérez pas comme un enfant. Car j'ai toujours été un homme fait, et il convient que toutes les bêtes fauves des forêts s'adoucissent devant moi."

  

CHAPITRE XIX

 

Et de même les lions et les léopards l'adoraient et les accompagnaient dans le désert ; partout où Marie et Joseph allaient, ils les précédaient, montrant la route et, inclinant la tête, ils adoraient Jésus. Mais le premier jour où Marie vit des lions autour d'elle et toutes sortes de fauves, elle eut une grande frayeur. Mais l'enfant Jésus, la regardant le visage tout éclairé de joie lui dit : "Ne craignez pas, Mère ; car ce n'est point pour vous faire du mal mais pour vous servir qu'ils s'empressent autour de vous." Et, par ces paroles, il dissipa toute frayeur de leur coeur.
Les lions faisaient route avec eux, et avec les boeufs, les ânes et les bêtes de somme qui portaient leurs bagages, et ils ne leur faisaient aucun mal ; mais ils étaient pleins de douceur parmi les brebis et les béliers, que Joseph avait amenés de Judée, et même, ils les gardaient avec lui. et ceux-ci marchaient au milieu des loups, et ils ne craignaient rien et nul n'éprouvait de mal. Ainsi s'accomplit ce qui avait été dit par le prophète Isaïe : "Les loups paîtront avec les agneaux, le lion et le boeuf mangeront ensemble du fourrage." Car il y avait deux boeufs et un chariot pour transporter les objets usuels et c'étaient les lions qui les gardaient sur leur route.

 

CHAPITRE XX

 

Or il advint que le troisième jour de leur déplacement, Marie se trouva fatiguée par l'ardeur du soleil dans le désert. Apercevant un palmier, elle dit à Joseph : "Je me reposerai un peu sous son ombre." Joseph s'empressa de la conduire auprès du palmier et la fit descendre de l'ânesse. Quand Marie fut assise, elle regarda vers la cime du palmier et la vit chargée de fruits. "Je voudrais, s'il est possible, dit-elle à Joseph, goûter des fruits de ce palmier." Joseph lui répondit : "Je m'étonne que tu parles ainsi : tu vois à quelle hauteur sont les palmes, et tu te proposes de manger de leurs fruits ! Quant à moi, c'est bien davantage le manque d'eau qui m'intéresse, car il n'y en a plus dans nos outres, et nous n'avons pas de quoi nous abreuver, nous et nos montures."
Alors le petit enfant Jésus qui reposait calmement sur sein de sa mère, dit au palmier :"Penche-toi, arbre, et nourris ma mère de tes fruits !" Et obéissant à ces mots, le palmier inclina aussitôt sa cime jusqu'aux pieds de Marie, pour qu'on y cueillît des fruits dont tous se rassasièrent. Quand tous les fruits eurent été cueillis, l'arbre demeurait incliné, attendant l'ordre de celui qui lui avait commandé de s'incliner. Alors, Jésus lui dit : "Redresse-toi, palmier, reprends ta force ! Tu partageras désormais le sort de mes arbres qui sont au Paradis de mon Père. Ouvre de tes racines la source cachée au fond de la terre et que des eaux en jaillissent pour notre soif !" Aussitôt le palmier se redressa, et d'entre ses racines se mirent à jaillir des sources d'eaux très limpides, très fraîches et très douces. Et voyant ces sources, ils furent pleins d'une grande joie ; ils se désaltérèrent eux, leurs gens et toutes leurs bêtes et ils rendirent grâces à Dieu.

 

CHAPITRE XXI

  

Le lendemain, tous repartirent, et à l'instant où ils se mettaient en route, Jésus se tourna vers le palmier et lui dit : "Je te donne ce privilège, palmier, que l'un de tes rameaux soit emporté par mes anges et planté au paradis de mon père. Je te confère cette bénédiction, afin qu'à tous ceux qui auront vaincu en quelque lutte, on dise : Vous avez la palme de la victoire !" Et, tandis qu'il disait cela, voici qu'un ange du Seigneur apparut, se tenant au-dessus de l'arbre. Prenant un des rameaux, il s'envola au ciel, le tenant dans sa main. Ce que voyant, ils tombèrent sur la face, et restèrent comme morts. Jésus leur dit alors :"Pourquoi la frayeur envahit-elle vos coeurs ? Ne savez-vous pas que ce palmier que j'ai fait transporter au paradis, sera préparé pour tous les saints en ce lieu de délices, comme il a été préparé pour vous en ce désert ?" Et pleins de joie, ils se relevèrent tous.

  

CHAPITRE XXII

 

Comme ils faisaient route à nouveau, Joseph lui dit : "Seigneur, la chaleur nous dévore, s'il te plaît prenons la route du bord de mer, pour pouvoir nous reposer dans les cités maritimes." Jésus répondit : "Ne crains rien, Joseph, j'abrégerai votre route de telle sorte que l'espace qui eût demandé trente jours pour être franchi, vous le traverserez en cette seule journée." Et tandis qu'ils parlaient ainsi, devant eux commencèrent à apparaître les monts de l'Égypte et ses cités.
Joyeux et exultant, ils parvinrent sur le territoire d'Hermopolis, et pénétrèrent dans une des cités d'Égypte qui est appelée Sotinen. N'y connaissant personne dont ils pussent recevoir l'hospitalité, ils entrèrent dans un temple, qu'on appelait le capitole de l'Égypte. Dans ce temple, trois cent soixante-cinq idoles étaient placées, auxquelles chaque jour on rendait les honneurs divins en des cérémonies sacrilèges.

 

CHAPITRE XXIII

 

Or il advint que lorsque la bienheureuse Vierge Marie pénétra dans le temple avec son petit enfant, toutes les idoles furent jetées à terre, si bien que toutes gisaient en morceaux, la face brisée, et ainsi leur néant fut prouvé. Ainsi fut accompli ce qui avait été dit par le prophète Isaïe : "Voici que le Seigneur vient sur une nuée légère et entre en Égypte, et tous les ouvrages faits de la main des Égyptiens trembleront devant sa face."

 

CHAPITRE XXIV

 

  Quand on eut porté cette nouvelle à Afrodisius, il vint au temple avec toute son armée, et avec tous ses amis et compagnons. Tous les prêtres du temple espéraient qu'il ne dirait rien de ceux qui avaient causé la chute des idoles. Et lui, entré dans le temple et voyant qu'était vrai ce qu'il avait entendu, s'approcha aussitôt de Marie et adora l'enfant que Marie tenait sur son sein, l'enfant Maître. Et après l'avoir adoré, il s'adressa à toute son armée et à tous ses amis, et il dit: "Si celui-ci n'était pas le Seigneur de nos dieux que voici, ceux-ci ne se seraient pas prosternés devant lui, et prosternés en sa présence, étendus à terre, ils ne témoigneraient pas qu'il est leur Seigneur. Nous autre, donc, si nous ne faisons pas, pour plus de sûreté, ce que nous voyons nos dieux en train de faire, nous risquerons de provoquer son indignation et nous périrons tous, comme il est arrivé au Pharaon, le roi des Egyptiens, qui régnait en ces jours où Dieu fit de grands miracles en Egypte et fit sortir son peuple par la force de sa main."

 

 

 

Retour Apocryphes / Retour Marie / Retour Enfance