Evangile du Pseudo Thomas
PLAN
1-5
miracles capricieux du bambin.
6-8 premiers essais de scolarisation. Attitude rétive de Jésus.
9-13 Jésus fait des progrès.
14-15 ses maîtres aussi.
16-18 les miracles de Jésus grandi.
19 la perfection atteinte.
Par
Thomas, philosophe israélite, récit de l'enfance du Seigneur
I.1. Moi,
Thomas l'Israélite, je crois très utile de faire connaître à tous nos frères
d'origine païenne, les actions enfantines de notre Seigneur Jésus-Christ et les
merveilles qu'il accomplit après qu'il fut né en notre pays.
II.1. Ce petit
enfant Jésus, âgé de cinq ans, jouait, après un orage, au bord d'une rivière.
Il dirigeait des ruisselets dans des fossés et cette eau redevenait aussitôt
limpide, obéissant à sa moindre parole.
II.2. Ensuite,
ayant pris de la terre glaise, il pétrit douze petits moineaux. C'était un jour
de sabbat; une volée de gamins jouait avec lui.
II.3. Un Juif,
voyant à quoi s'occupait Jésus ce jour-là, s'empressa de tout rapporter à
Joseph son père. " Dis, ton fils est près de la rivière; il a pris de
l'argile et il a façonné douze moineaux. Il se moque du sabbat ! "
II.4. Joseph se
rendit sur les lieux. Dès qu'il aperçut son fils, il le gronda: " Pourquoi
te livres-tu à des activités interdites le jour du sabbat ? " Mais Jésus
frappa dans ses mains et cria aux moineaux " Partez ! " Les oisillons
déployèrent leurs ailes et s'envolèrent en pépiant.
II.5. Sidérés,
les Juifs s'en allèrent conter à leurs chefs ce que Jésus avait accompli sous
leurs yeux.
III.1. Cependant,
le fils d'Anne le scribe, qui se trouvait là, avec Jésus, saisit une branche de
saule et dispersa les eaux drainées par Jésus.
III.2. Ce que
voyant, Jésus se fâcha, et lui dit: " Méchant ! Impie ! Insensé ! Quel mal
te faisaient mes canaux et cette eau ? Eh bien, maintenant, deviens comme un
arbre sec, et ne porte plus ni feuille, ni racine, ni fruit. "
III.3. Aussitôt
l'enfant se dessécha, des pieds à la tête. Et Jésus s'en retourna chez Joseph. Les parents de l'enfant
desséché vinrent ramasser leur fils, pleurant sur sa jeunesse. Ils
l'apportèrent à Joseph et ils le blâmaient d'avoir un fils capable de ces
miracles-là.
IV.1. Une autre
fois, Jésus se promenait dans le village, quand un enfant, en courant, le
heurta à l'épaule. Irrité, Jésus lui dit: " Tu ne poursuivras pas ta
route. " A l'instant, l'enfant s'écroula, mort. A cette vue, certains
s'exclamèrent: " D`où sort cet enfant, dont chaque parole devient
immédiatement réalité ? "
IV.2. Les
parents du jeune mort allèrent se plaindre à Joseph: " Avec un fils comme
le tien, tu ne dois plus rester avec nous, dans le village, ou alors
apprends-lui à bénir, au lieu de maudire. Car il fait mourir nos enfants.
"
V.1. Joseph prit
son fils à part et le tança: " Qu'est-ce qui t'a pris? Ces gens souffrent,
ils nous détestent et veulent nous chasser ! " Jésus répondit: " Je
sais que les paroles que tu dis ne viennent pas de toi; aussi, par égard pour
ta personne, me tairai-je. Mais eux recevront leur châtiment. " Aussitôt,
les plaignants furent frappés de cécité.
V.2. Les
assistants étaient dans la crainte et le désarroi. " Toute parole issue de
sa bouche, bonne ou mauvaise, disaient-ils, s'accomplit et produit un miracle.
" Et quand ils eurent vu les prouesses de Jésus, Joseph se leva, prit son
fils par l'oreille et la lui tira vigoureusement.
V.3. L'enfant
s'emporta et lui dit: " Ne te suffit-il pas de chercher et de ne pas
trouver ? Voilà que tu te mets à agir sans réfléchir. Ignores-tu que je suis à
toi ? Laisse-moi donc tranquille ! "
VI.1. Un maître
d'école, du nom de Zachée, qui se trouvait dans le quartier, entendit ce que
Jésus disait à son père. Il était sidéré qu'un enfant s'exprimât de la sorte.
VI.2. Peu de
jours après, il aborda Joseph et lui dit: " Tu as un fils plein d'astuce
et d'intelligence. Confie-le-moi. Je lui enseignerai ses lettres, et quand il
les saura, je l'instruirai de toutes les sciences. Je lui apprendrai à saluer
ses aînés, à les honorer comme des aïeux et des pères et à aimer les enfants de
son âge. "
VI.3. Il
énuméra donc à l'enfant toutes les lettres depuis alpha jusqu'à oméga, avec
beaucoup de soin et de clarté. Mais
Jésus, levant ses yeux sur son maître Zachée, lui dit: " Toi, qui ne
connais pas les significations de l'alpha, comment veux-tu apprendre aux autres
le bêta? Hypocrite, enseigne d'abord l'alpha, si tu le connais et alors nous te
croirons quand tu nous parleras du bêta. " Et il se mit à interroger son
maître sur la première lettre, et l'autre ne savait que répondre.
VI.4. Et devant
un grand auditoire, l'enfant dit à Zachée: " Apprends, maître, la
disposition de la première lettre et remarque ses lignes droites et ce trait
transversal qui les rapproche et les unit, tandis qu'elles se joignent en leur
sommet. Le caractère de la lettre A se compose de trois signes, de même
importance, de même qualité et d'égale mesure"
VII.1. Lorsqu'il eut entendu l'enfant
expliquer les significations si nombreuses et si profondes de la première
lettre, le maître Zachée resta bouche bée. Après une telle réponse et un tel
enseignement, il se tourna vers l'assistance: " Quel malheur et quelle
pitié ! Je me suis couvert de ridicule en attirant cet enfant chez moi.
VII.2. Reprends-le
donc, je t'en prie, Joseph, mon frère. Je ne supporte pas la sévérité de son
regard; je ne veux plus lui entendre dire un mot. Cet enfant n'est pas de ce
monde. Il commande- rait jusqu'au feu! Sans doute a-t-il été créé avant la
fondation de l'univers Quel ventre l'a porté ? Quel sein l'a nourri ? Je
l'ignore. Mais moi, mon cher ami, il m'étourdit, je ne peux suivre ses
raisonnements. Je me suis trompé, oh, quelle misère ! Je cherchais un élève,
j'ai trouvé un maître !
VII.3. "
Oui, mes amis, j'avoue mon humiliation. Moi, un vieillard, me laisser battre
par un gamin ! Il m'a ôté tout courage et je n'ai plus qu'une envie, mourir. Je
ne peux plus le regarder en face. Quand tous diront que j'ai été dépassé par un
bambin, qu'aurai-je à répondre ? Et que raconterai-je, sur les éléments du
premier caractère, après ce qu'il en a dit ? Je ne sais, mes amis. Car de lui
je ne connais ni le commencement ni la fin.
VII.4. Aussi,
je t'en prie, Joseph, mon frère, ramène-le dans ta maison. Cet enfant-là est extraordinaire,
c'est un Dieu, un ange, ou je ne sais quoi encore. "
VIII.1. Tandis
que les Juifs essayaient de réconforter Zachée, l'enfant partit d'un grand
éclat de rire et dit: " Eh bien, pour que ta mésaventure ne soit pas
inutile, que les aveugles de coeur retrouvent la vue ! Moi, je suis venu du
ciel pour les maudire, mais aussi les appeler en haut, comme me l'a ordonné
celui qui m'a envoyé à cause de vous. "
VIII.2. Dès que
l'enfant eut cessé de parler, tous ceux qui étaient tombés sous l'effet de sa
malédiction se relevèrent, sains et saufs. Et personne dès lors n'osait
l'irriter, de peur d'être maudit et estropié.
IX.1. Quelques
jours après, Jésus jouait sur la terrasse d'une maison, quand l'un de ses
petits camarades dégringola du haut du toit et se tua. L'accident mit tous les
enfants en fuite. Jésus resta seul.
IX.2. Les
parents de la victime arrivèrent et l'accusèrent d'avoir provoqué sa chute. Et
Jésus avait beau se défendre, ils continuaient à le rudoyer.
IX.3. Alors,
d'un saut, Jésus fut au bas de la terrasse. S'arrêtant devant le cadavre de
l'enfant, il cria d'une voix forte: " Zénon (ainsi s'appelait-il), debout
! Et dis-le, est-ce moi qui t'ai fait tomber? " Aussitôt l'enfant se
releva et dit: " Non, Seigneur, tu ne m'as pas fait tomber mais tu m'as
ressuscité ! " Les assistants étaient stupéfaits. Quant aux parents de
l'enfant, ils glorifièrent Dieu à cause de ce miracle et ils adorèrent Jésus.
X.1. Un peu
plus tard, un jeune homme qui coupait du bois dans le voisinage, laissa
échapper sa hache qui lui entailla la plante du pied. Perdant tout son sang, il
se mourait.
X.2. Ce fut
l'affolement. Les gens accoururent. Jésus lui aussi, arriva en hâte. Fendant la
foule, il vint toucher le pied blessé et le jeune homme sur-le-champ fut guéri.
Il lui dit: " Debout maintenant ! Coupe tes bûches et souviens-toi de moi
! " Et la foule qui avait été témoin de la scène l'adora, disant: "
L'esprit de Dieu habite véritablement ce petit ! "
XI.1. Quand il
eut six ans, sa mère lui donna une cruche et lui demanda d'aller puiser de
l'eau et de la rapporter à la maison. Mais dans la cohue, il heurta la cruche
et elle se brisa.
XI.2. Alors
Jésus étendit le manteau dont il était couvert, recueillit l'eau dedans et
l'apporta à sa mère. A la vue de ce miracle, elle l'embrassa et elle conservait
en son coeur les mystères qu'elle lui voyait accomplir.
XII.1. Une
autre fois, à la saison des semailles, l'enfant sortit avec son père pour semer
du blé dans leur champ. Et tandis que son père semait, l'enfant Jésus jeta un
seul grain en terre. Et quand vint la moisson et qu'il battit sa récolte, il en
tira cent mesures. Appelant tous les pauvres du village sur l'aire, il leur
distribua son blé et l'excédent revint à Joseph. Jésus avait huit ans quand il
fit ce miracle.
XIII.1. Son
père était charpentier et il fabriquait en ce temps-là des charrues et des
jougs. Un riche le chargea de lui faire un lit. Il se trouva que l'une des
pièces était plus courte que l'autre, et Joseph était bien contrarié. Mais
Jésus dit à son père: " Pose les planches à terre, et reste à ta place si
tu veux les rendre égales. " Joseph fit comme l'enfant avait dit. Et Jésus
se mit à l'autre bout, saisit l'élément le plus court et en l'étirant, lui
donna la même longueur que l'autre, sous les yeux admiratifs de Joseph !
Celui-ci prit son fils dans ses bras, le couvrit de baisers et dit: " Je
suis heureux que Dieu m'ait donné cet enfant !"
XIV.1. Joseph,
voyant que l'intelligence de l'enfant croissait avec son âge, et répugnant
toujours à ce qu'il restât illettré, le prit et le mena chez un autre maître.
Celui-ci dit à Joseph: " Je lui apprendrai d'abord les lettres grecques
puis les lettres hébraïques. " Ce maître connaissait les prédispositions
de Jésus et il était inquiet. Cependant, ayant écrit l'alphabet, il se dépensa
en de longues explications auxquelles l'enfant ne répondait mot.
XIV.2. Enfin,
Jésus lui dit: " Si tu es véritablement un maître, et si tu connais bien
tes lettres, dis-moi la signification de l'alpha, et moi je te dirai celle du
bêta. " Vexé, le maître lui envoya une gifle. L'enfant, sous le coup de la
douleur, le maudit: aussitôt le maître perdit connaissance et tomba face contre
terre.
XIV.3. L'enfant
revint dans la maison paternelle. Et Joseph, navré, commanda à sa mère: "
Ne le laisse plus passer la porte, puisque les gens qui le mettent en colère
meurent. "
XV.1. Peu de
temps après, un nouveau maître, ami intime de Joseph, lui dit: " Amène-moi
l'enfant à l'école. Peut-être réussirai-je par la douceur à lui apprendre ses
lettres. " Joseph lui dit: " Si tu as le courage, frère, prends-le
avec toi. " Il le prit donc avec lui, rempli de crainte et de préventions,
et l'enfant trottait gaiement.
XV.2. Sans
émoi, il entra dans l'école, avisa un livre posé sur un pupitre, le saisit, et
au lieu de lire les lettres contenues dedans, ouvrant la bouche, il parla selon
l'Esprit saint et il enseignait la Loi aux gens qui se trouvaient là, à
l'écouter. Sa parole attira une foule attentive, et l'on admirait la maturité
de son jugement, la vivacité de ses raisonnements et l'éloquence de ce bambin.
XV.3. Apprenant
cela, Joseph, inquiet, courut à l'école. Il craignait une catastrophe pour le
maître. Or celui-ci dit à Joseph: " Mon frère, sache-le, j'avais pris cet
enfant pour un élève. Mais il déborde de grâce et de sagesse. Alors, je t'en
prie, mon frère, ramène-le chez toi ! "
XV.4. A ces
mots, l'enfant lui sourit et dit: " Tu as bien parlé et tu m'as rendu un
juste témoignage. Eh bien grâce à toi celui-là aussi que j'avais frappé sera
guéri. " Et instantanément l'autre recouvra la vie. Joseph prit l'enfant
et rentra chez lui.
XVI.1. Joseph
envoya son fils Jacques lier des fagots et les apporter à la maison. L'enfant
Jésus le suivit. Tandis que Jacques ramassait ses branches, une vipère le piqua
à la main. Déjà il agonisait, tout raidi, quand Jésus s'approcha et souffla sur
la morsure. Les douleurs se calmèrent sur-le-champ et c'est l'animal qui
mourut. Jacques, lui, était déjà sur pied.
XVII.1. Plus
tard, chez un voisin de Joseph, un petit enfant malade expira. Sa mère pleurait
amèrement. Entendant ce deuil et ces cris affreux, Jésus se précipita. Il vit
l'enfant mort, lui toucha la poitrine et dit: " Mon tout petit, je te
défends d'être mort ! Vis, et reste avec ta mère ! " Aussitôt, le marmot
ouvrit ses yeux et sourit. Jésus dit à la femme : « Prends-le,
donne-lui son lait et souviens-toi de moi. »
XVII.2. La
foule qui assistait à la scène était dans l’admiration et
disait : « En vérité, cet enfant est un Dieu ou un ange de
Dieu ! Toutes ses paroles deviennent réalité ! » Et Jésus s’en
alla jouer avec d’autres camarades.
XVIII.1. A
quelque temps de là, il se produisit un grand vacarme, près d’une maison en
construction. Jésus se leva et alla voir. Un homme gisait, sans vie. Il lui
prit la main et dit : « Je te le dis, homme, lève-toi, et remets toi à l’ouvrage. » Aussitôt il
se leva et l’adora.
XVIII.2. Alors
la foule, émerveillée, s’écria : « Cet enfant vient du
ciel ! Il a déjà sauvé beaucoup de gens et il en sauvera tout au long de
sa vie. »
XIX.1. Quand il
eu douze ans, ses parents, selon la coutume, se rendirent à Jérusalem pour la
fête de Pâques avec la caravane des pèlerins. La Pâque terminée, ils s’en
retournèrent chez eux. Tandis qu’ils cheminaient, l’enfant Jésus remonta à
Jérusalem. Ses parents le croyaient toujours dans la caravane.
XIX.2. Après
une journée de route, ils le recherchèrent parmi leur famille et ne le trouvant
pas, pleins d’angoisse, ils retournèrent le chercher à la ville. Au troisième
jour, ils le découvrirent assis dans le temple, au milieu des docteurs, les
écoutant et les interrogeant. Et tous étaient attentifs et s’étonnaient qu’un
enfant pût fermer la bouche aux Anciens et aux docteurs du peuple, et qu’il sût
éclairer les principaux points de la Loi et les paraboles des prophètes.
XIX.3. Marie,
sa mère, s’approcha et dit : « Pourquoi nous as-tu fait cela,
mon enfant ? Nous étions bien inquiets et nous te cherchions. » Mais
Jésus leur dit : « Pourquoi me cherchez vous ? Ne
savez-vous pas que je me dois aux affaires de mon Père ? »
XIX.4. Scribes
et pharisiens dirent : « Est-ce toi, la mère de cet
enfant ? » Elle répondit : « Oui, c’est moi » Et
ils lui dirent : « Tu es heureuse parmi les femmes, car Dieu a
béni le fruit de ton sein ! De gloire, de vertu et de sagesse comme la
sienne, non, nous n’avons jamais vu ni entendu ! »
XIX.5. Alors,
Jésus se leva et suivit sa mère, et il était soumis à ses parents. Sa mère
conservait toutes ces choses dans son cœur. Et Jésus grandissait en sagesse, en
âge et en grâce. A lui la gloire aux siècles des siècles. AMEN !